L’avenue Charles-de-Gaulle, le souffle de Beyrouth
Rédaction du Bureau de Beyrouth – PO4OR
Il existe, à Beyrouth, des lieux qui semblent respirer en même temps que la ville. Des espaces où les pas des habitants se mêlent à ceux des visiteurs, où la lumière et la mer se répondent, où la mémoire flotte silencieusement dans l’air. L’avenue Charles-de-Gaulle appartient à cette catégorie rare. Plus qu’une simple voie longeant la Méditerranée, elle est un moment de la ville, une manière d’être Beyrouth.
Située entre Raouché et Ain el-Mreissé, cette avenue accompagne la capitale depuis des décennies. Elle constitue un repère, une ligne familière que chacun a parcourue au moins une fois, parfois sans même y prêter attention, parfois avec la conscience d’entrer dans un lieu qui raconte quelque chose d’essentiel sur Beyrouth.
Un nom qui résonne avec l’histoire
L’avenue porte le nom de Charles de Gaulle, non pas comme une simple empreinte administrative, mais comme un morceau d’histoire partagée. Avant d’être une figure de la France contemporaine, de Gaulle fut un officier jeune et en mission, qui vécut à Beyrouth entre 1929 et 1932. La maison qu’il occupa existe toujours, discrètement installée dans un quartier ancien, rappelant une époque où le Liban et la France partageaient une proximité culturelle et humaine.
Ce lien se retrouve dans une phrase célèbre du général : « Dans tout cœur de Français digne de ce nom, je puis dire que le nom seul du Liban fait remuer quelque chose de très particulier. » Il ne s’agit pas d’un message politique, mais d’une émotion sincère exprimée par un homme marqué par son séjour dans la ville.
Ainsi, le nom de l’avenue ne se surimpose pas à Beyrouth. Il s’y insère naturellement, comme une trace discrète d’un passage réel, vécu, authentique.
Une promenade vivante entre ville et mer
Longer l’avenue Charles-de-Gaulle, c’est accepter de se laisser accompagner par la Méditerranée. Ici, la mer n’est pas un simple horizon : elle façonne l’espace, adoucit l’atmosphère, impose sa respiration. Le bruit des vagues rythme la marche, la lumière change à chaque minute, les couleurs se transforment selon les heures du jour.
Le matin, la clarté est douce, presque nacrée. À midi, le soleil illumine la courbe de l’avenue et renforce son caractère urbain. Le soir, les façades se teintent de rose et d’orangé, la promenade devient un tableau mouvant où les silhouettes se superposent au scintillement de l’eau.
Cette interaction constante entre la ville et la mer donne à l’avenue une densité particulière. L’espace n’est jamais vide, jamais figé : il vit, respire, accueille et relie.
Un lieu de mémoire douce pour les Beyrouthins
Pour les habitants de Beyrouth, l’avenue Charles-de-Gaulle n’est pas seulement une voie côtière. Elle fait partie des souvenirs personnels. On y a appris à faire du vélo, on y a bu un premier café face à la mer, on y a photographié les Rochers de Raouché. Certaines familles y reviennent chaque dimanche, comme pour vérifier que la ville est toujours là.
Les générations s’y croisent. Les plus âgés marchent à leur rythme, les jeunes courent ou roulent à vélo, des couples viennent admirer le paysage, et les visiteurs s’arrêtent pour contempler l’horizon. Et au-dessus de tout cela, la même brise, la même lumière.
Une identité architecturale entre héritage et modernité
L’avenue n’est pas un simple paysage naturel : elle est aussi un chapitre d’architecture beyrouthine. On y trouve des bâtiments anciens, des hôtels emblématiques, des cafés historiques, mais aussi des constructions plus récentes, témoignant des transformations de la ville.
Les façades racontent l’évolution du front de mer. Certaines rappellent une époque où Beyrouth attirait artistes, écrivains et voyageurs. D’autres reflètent une capitale tournée vers l’avenir. Cette cohabitation compose une continuité propre à Beyrouth, où les strates du passé ne s’effacent jamais complètement.
La Méditerranée comme scène permanente
La mer, tout au long de l’avenue, impose sa présence. Elle change d’humeur et de couleurs selon les saisons, mais elle reste la grande scène du lieu. Par moments calme et translucide, à d’autres plus vive, elle accompagne la promenade sans jamais l’envahir.
L’avenue devient alors un espace de contemplation. On y marche pour avancer, mais aussi pour regarder : les vagues, les bateaux, les couleurs glissant sur l’eau, les enfants jouant près du rivage. C’est un lieu qui apaise sans jamais s’imposer.
Un espace public qui appartient à tout le monde
L’un des charmes de l’avenue Charles-de-Gaulle est son accessibilité. Elle appartient à tous. Les marcheurs, les familles, les sportifs, les pêcheurs et les photographes s’y retrouvent naturellement. Les cafés, les terrasses, les bancs tournés vers la mer composent un espace ouvert, simple, accueillant.
On y ressent la ville, mais une ville adoucie par la lumière et la brise. Une ville qui, le temps de quelques instants, invite chacun à ralentir.
Conclusion
L’avenue Charles-de-Gaulle n’est pas un monument. Elle ne cherche pas à impressionner. Elle accompagne, elle accueille, elle respire. Elle représente ce que Beyrouth a de plus précieux : sa capacité à mêler les influences tout en gardant son identité, à offrir des instants simples mais inoubliables, à se tourner vers la mer tout en portant la mémoire de ses habitants.
En marchant sur cette avenue, on traverse plus qu’un espace urbain. On traverse un fragment vivant du souffle de Beyrouth.