Festival du film européen à Bagdad : La France et l’Institut français, une lumière discrète entre deux rives
Bagdad retrouve parfois une clarté inattendue.
Dans une ville qui a longtemps vécu au rythme des tensions et des ruptures, il arrive que la culture crée une respiration.
Le Festival du film européen, accueilli à l’Institut français d’Irak, appartient à ces moments rares où un lieu, un public et des œuvres venues d’ailleurs parviennent à ouvrir un espace de dialogue.
L’événement, organisé par la délégation de l’Union européenne avec la participation de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, ne relève pas du protocole.
Il ressemble davantage à un geste calme, presque fragile, mais profondément significatif : celui de mettre l’Europe à la portée d’un public irakien en quête d’histoires, de regards et de sens.
La présence française, une fidélité à l’idée de culture partagée
Depuis des décennies, la France défend l’idée que la culture peut circuler malgré les frontières et les bouleversements.
En Irak, cette conviction prend une forme très concrète : un Institut qui reste ouvert, actif, attentif, même lorsque les circonstances ne facilitent pas le travail culturel.
En offrant son espace au Festival du film européen, l’Institut français ne cherche pas à projeter un modèle.
Il propose simplement une rencontre.
Une salle obscure, des films venus de différents horizons du continent, et un public qui accepte l’invitation.
C’est dans cette sobriété que se joue l’essentiel : la capacité de créer des liens là où les ponts ont souvent été détruits.
Le cinéma comme langage commun
Le cinéma européen n’est pas là pour donner des leçons.
Il raconte ses propres doutes, ses fractures sociales, ses villes en mutation, ses solitudes, ses élans.
Qu’il soit français, italien ou allemand, il porte une manière de regarder le monde qui peut toucher des spectateurs très éloignés de son contexte initial.
À Bagdad, ces récits trouvent une résonance particulière.
Les films montrés au festival parlent de liberté, de famille, de mémoire, de choix difficiles.
Autant de thèmes qui dépassent les identités et les appartenances.
Le public irakien ne découvre pas une “Europe idéalisée”.
Il découvre une Europe humaine, pleine de nuances, traversée elle aussi par des tensions, des contradictions, des interrogations.
C’est dans cette humanité que la rencontre devient possible.
Un événement qui choisit Bagdad, et non une zone de confort
Pendant longtemps, les initiatives européennes liées au cinéma se déroulaient surtout dans le Kurdistan irakien, où l’environnement est plus propice.
Organiser aujourd’hui un festival à Bagdad relève d’un choix assumé : revenir au centre du pays, se tenir au plus près du public qui n’a pas toujours accès à ces formes culturelles.
Ce retour n’a rien de spectaculaire.
Il ne cherche pas l’effet d’annonce.
Il affirme une volonté : faire en sorte que Bagdad reste une ville où le cinéma peut s’exprimer, où la culture n’est pas reléguée à la marge.
L’Institut français, une maison ouverte
Dans une capitale aux mille contradictions, l’Institut français occupe une place singulière.
On y apprend une langue, on y écoute de la musique, on y lit, on y débat, et l’on y regarde des films.
C’est un lieu où l’on sort du quotidien pour rencontrer d’autres imaginaires.
Le festival y trouve naturellement sa place.
Il rappelle que la culture n’a pas besoin de grands dispositifs pour exister :
une salle, un public, un film suffisent parfois à raviver une curiosité endormie.
Pour de nombreux jeunes, franchir la porte de l’Institut, c’est déjà accomplir un geste d’ouverture vers l’ailleurs.
Une ville, des histoires, et une passerelle
Bagdad a longtemps été un centre intellectuel.
Le festival ne prétend pas restaurer ce passé, mais il en réactive quelque chose : une disponibilité à l’échange, un désir d’entendre des récits venus d’autres pays.
Entre l’Europe et l’Irak, les relations ont souvent été marquées par des incompréhensions, des distances, des blessures.
Le cinéma ne répare pas tout, mais il crée un espace où l’autre devient visible, audible, accessible.
Dans la salle de l’Institut français, il n’y a ni discours, ni stratégie.
Il y a des regards tournés vers un écran et, l’espace d’un instant, la sensation que deux continents se comprennent sans traducteur.
Conclusion : la lumière qui persiste
Dans un monde fragmenté, ce festival tient de la simplicité et de la persévérance.
Il ne cherche pas à transformer Bagdad du jour au lendemain.
Il propose seulement ce que la culture européenne sait offrir de mieux : une manière d’ouvrir des fenêtres sans imposer de murs.
À l’initiative de la France et de ses partenaires européens, cette édition du Festival du film européen s’inscrit dans un mouvement plus large :
celui d’un rapprochement discret, patient, mais essentiel, entre l’Orient et l’Occident.
C’est peu — et c’est déjà beaucoup.
Une projection, une salle, une ville.
Et la conviction que la lumière circule encore.
Rédaction : Bureau de Bagdad (PO4OR)