Hussain Harba : le créateur irakien-italien qui a bâti un pont entre Bagdad et Milan
Rédaction – Bureau de Paris – PO4OR
Depuis plusieurs années, le nom de Hussain Harba se distingue dans l’univers du design international comme une figure singulière : un créateur irako-italien dont l’œuvre pourrait être décrite comme un pont entre deux mondes Bagdad, berceau de civilisations antiques, et Milan, l’un des épicentres mondiaux de la mode, du design et du luxe. Plus qu’un simple designer, Harba incarne une vision artistique ancrée dans la mémoire orientale et tournée vers le futur européen, une trajectoire rare qui mérite d’être explorée à la fois pour sa dimension esthétique et pour sa portée culturelle.
Originaire d’Irak, Hussain Harba grandit dans un environnement où l’héritage mésopotamien reste présent, même s’il s’agissait d’une nation traversée par les conflits et les migrations. Très tôt, l’ambition de Harba d’embrasser l’art, l’esthétique et la création le conduit à poursuivre ses études en Italie, pays reconnu pour son excellence en design, sa tradition de l’artisanat et son rayonnement mondial. Milan devient ainsi sa seconde patrie, le lieu où il affine ses compétences, cultive son identité visuelle et forge sa signature une signature à la fois orientale et occidentale, mêlant le luxe, l’art et l’individualité.
Le parcours de Harba est marqué par la rencontre de deux héritages : celui de la tradition irakienne, et celui de la modernité italienne. Il se distingue par l’usage de matériaux nobles, de techniques artisanales transalpines et d’un vocabulaire formel qui convoque les motifs géométriques, la calligraphie et l’ornementation orientale. Contrairement à certains designers qui empruntent l’exotisme, Harba préfère situer ses créations dans un continuum culturel, où son identité irakienne est pleinement assumée et réinterprétée dans un langage contemporain. Ses pièces — que ce soit une chaise, un luminaire ou une line de mode portent la trace de Babylone autant que celle de Via Montenapoleone.
Ce double enracinement lui permet de travailler dans une dynamique interculturelle : Milan lui offre le cadre, les technicités et l’exposition internationale, tandis que Bagdad symbolise la source. Par une poétique de l’entre-deux , Harba transforme le déplacement, l’exil et la mémoire en un moteur créatif. Dans cette perspective, ses expositions et ses produits ne sont pas de simples objets, mais des récits visuels, des témoignages de la résilience, de l’hospitalité orientale et de l’ouverture occidentale.
Sa trajectoire lui a permis de collaborer avec des ateliers italiens de renom, de participer à des salons du design et de voir ses œuvres publiées dans des revues spécialisées en Europe et au-delà. Bien qu’il ne soit pas encore une star de la « Haute Couture Parisienne », son influence gagne en visibilité chaque année, notamment dans les cercles du design et du mobilier de luxe. L’Italie, pour Harba, n’est pas un simple lieu d’implantation : c’est un laboratoire expérimental où il fusionne la tradition artisanale italienne avec un savoir-faire oriental moins connu mais riche d’histoire.
Sur le plan thématique, Hussain Harba s’intéresse aux notions de récit, d’identité et de symbolisme. Chaque création est conçue comme une « archive esthétisée » : elle réactive des formes anciennes (archétype sumérien, motif assyrien, calligraphie arabe) et les retravaille dans un contexte post-moderne. Il ne s’agit pas de rétro-imiter, mais de transposer. De la même manière qu’un linguiste peut traduire un poème ancien en une langue moderne, Harba « traduit » l’imaginaire irakien en code design contemporain. La colonnade de Babylone ou la nervure d’un relief assyrien deviennent lignes, gravures ou volumes inattendus.
Cette démarche miroir est aussi un manifeste : celui d’un artiste arabe qui refuse de « déraciner » pour plaire à l’Occident. Au contraire, Harba explore la rencontre des langues visuelles en conservant l’énergie de son milieu d’origine tout en séduisant le marché du luxe européen. Pour lui, il n’y a pas deux langages opposés, mais un terrain commun où Bulgarie, Paris, Milan ou Beyrouth deviennent lieux de partage.
À travers ses œuvres, Harba questionne aussi la notion de luxe et d’artisanat dans un monde globalisé. Il interroge : qu’est-ce que « le luxe oriental » aujourd’hui ? Peut-on concilier authenticité culturelle et désir international ? Ses réponses prennent forme dans des séries limitées, des prototypes et des pièces d’exception, qui portent toutes un intitulé bilingue, un numéro d’édition artisanale et souvent un récit imprimé incorporé à l’objet lui-même. Le client n’achète pas seulement une œuvre ou un produit, mais un fragment d’histoire et de dialogue.
Si la relation entre Harba et Paris n’est pas à ce jour documentée par une présence régulière dans les semaines de la mode parisienne, elle ne manque pas d’échos. Le designer participe à des forums internationaux, effectue des présentations européennes et collabore avec des galeries qui ont pignon sur rue à Milan et un pied à Paris. Des acheteurs privés français possèdent déjà certaines de ses œuvres, et plusieurs publications européennes spécialisées parlent de «-l’Orient revisité-» où Harba figure parmi les noms essentiels. Il ne s’agit pas d’un « Gil Shoots-in-Paris » mais d’un élégant pont culturel, discret mais influent, imprégné par le dualisme géographique de son identité.
Son influence s’étend également à la région du Golfe. À Dubaï, Abu Dhabi, Doha, ainsi qu’à Beyrouth, il a exposé ses collections, engrangeant des retours enthousiastes. Chaque fois, la présence de l’Italie (technique, artisanat, finition) combinée à la mémoire de l’Irak (motifs, symboles, héritage) crée une aura internationale. Il y affirme que le dialogue entre Bagdad et Milan est tangible, que son héritage irakien est un capital créatif et que son atelier milanais est une plateforme d’innovation.
Pour beaucoup, Hussain Harba incarne une nouvelle génération de designers arabes-globaux : enracinés mais mobiles, héritiers mais inventifs, culturels mais commerciaux. Il incarne ce que l’on pourrait appeler le « design interculturel ». Il ne s’agit plus simplement de repenser une tradition ou de revisiter un motif ancien : il s’agit de bâtir un pont visuel entre des mondes qui ont parfois ignoré leur affinité. Et dans ce pont, Milan et Bagdad deviennent partenaires et non rivaux.
En cette ère numérique où l’identité se négocie, où les marques se globalisent et où les artistes multiplient les plateformes, l’œuvre de Harba offre un contre-modèle : celui du designer qui construit son authenticité en restant fidèle à ses racines, tout en visant l’international. Il donne ainsi à l’Irak une visibilité dans les galeries européennes, à l’artisanat arabe une élégance transalpine et à la ville de Milan un accent oriental discret.
Cependant, ce voyage n’a rien d’une success story lisse. Il y a eu des défis : la reconnaissance européenne, les réseaux de distribution, les collaborations avec des maisons italiennes dominées par un certain style minimaliste, la nécessité d’expliquer l’esthétique orientale à un public occidental. Pour Harba, chaque succès est aussi une conquête culturelle. Quelle est la langue du design oriental ? Comment rendre audible un motif mésopotamien dans une vitrine milanaise ? Ces questions traversent son travail.
Aujourd’hui, alors que les grandes capitales culturelles se recomposent, la contribution de Hussain Harba prend tout son sens. Elle évoque non seulement le succès d’un individu, mais la possibilité pour un héritage culturel ancien de dialoguer avec le monde contemporain de façon créative et ambitieuse. Son pont entre Bagdad et Milan pourrait se prolonger vers Paris, Londres, New York… mais ce qui compte avant tout, c’est qu’il soit construit sur des fondations profondes : mémoire, technique, vision et identité.
En conclusion, Hussain Harba n’est pas un phénomène passager. Il représente une voie — peut-être encore discrète mais essentielle — pour un design arabe à visage international. Il rappelle que l’Orient a des choses à offrir qui ne sont pas seulement exotiques, mais structurantes. Et que l’Occident, lorsqu’il les reçoit avec authenticité, peut les reconnaître comme partie intégrante de son histoire esthétique. Ainsi, entre Bagdad et Milan, se tisse un récit visuel et culturel qui porte l’espoir d’un monde où la création ne connaît ni frontière ni hiérarchie seulement l’échange, le respect et la beauté.