Les Filles d’Olfa : le film arabe qui  bouleversé Paris et redéfini le cinéma du réel

Les Filles d’Olfa : le film arabe qui  bouleversé Paris et redéfini le cinéma du réel

À Paris, rares sont les films arabes qui provoquent une telle onde de choc. « Les Filles d’Olfa », réalisé par la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania, fait partie de ces œuvres qui dépassent l’écran pour devenir un événement culturel, social et même politique. Présenté dans la capitale française après son passage remarqué au Festival de Cannes, le film a suscité débats, admiration, émotions et longues files d’attente devant les salles d’art et d’essai.

Paris ne s’est pas contentée de l’accueillir : elle l’a adopté.

Kaouther Ben Hania, figure majeure du nouveau cinéma arabe, signe ici son œuvre la plus audacieuse. Mi-documentaire, mi-fiction, le film explore l’histoire réelle d’Olfa Hamrouni, une mère tunisienne dont deux filles ont rejoint l’organisation Daech. Comment raconter l’indicible ? Comment mettre en scène l’absence, le traumatisme, le silence ? Ben Hania trouve une réponse cinématographique révolutionnaire : elle associe comédiennes professionnelles et personnages réels, brouillant les frontières entre le témoignage et la reconstitution, entre mémoire et performance.

Le dispositif formel, qui aurait pu n’être qu’un exercice de style, devient un espace d’exploration humaine bouleversante. Hend Sabri, icône du cinéma arabe, interprète Olfa dans certaines scènes reconstituées. À ses côtés, de jeunes actrices comme Nour Karoui, Ichraq Matar et Majd Mastoura donnent vie aux fragments disparus d’une histoire éclatée.

Le film rassemble ainsi deux mondes : celui des artistes tunisiens de très haut niveau et celui des protagonistes réels qui se réapproprient leur propre récit.

À Paris, cette hybridité a profondément touché le public. Les spectateurs ont découvert une œuvre qui dépasse largement le cadre national tunisien pour interroger l’universalité de la douleur familiale, les mécanismes sociaux de la radicalisation, la fragilité des mères et la résilience des femmes face à l’histoire.

Dans les débats organisés dans les salles MK2 et dans plusieurs cinémas indépendants, des femmes françaises ont confié se reconnaître dans cette mère tunisienne que tout semblait éloigner de leur réalité.

C’est là que le film devient un pont entre l’Orient et l’Occident : non pas par exotisme, mais par humanité.

La presse française n’est pas restée indifférente. Le Monde parle d’un « geste cinématographique sidérant ». Télérama évoque « un film qui libère la parole enfermée ». Le Figaro salue « une œuvre politique d’une grande intelligence formelle ».

Cette réception exceptionnelle montre que le cinéma arabe, lorsqu’il assume sa singularité, peut se hisser au niveau des grandes œuvres internationales et susciter un dialogue culturel sincère.

Le film, écrit par Kaouther Ben Hania elle-même, témoigne d’un maître absolu dans l’art de la narration fragmentée. La cinéaste ne cherche jamais à imposer une vérité, mais à construire un espace où plusieurs vérités peuvent coexister. Les scènes où les actrices questionnent Olfa, l’interrompent, la provoquent ou la consolent, créent une polyphonie inédite dans le cinéma contemporain.

On assiste moins à un tournage qu’à une séance collective de mémoire, où chaque voix, chaque geste, chaque émotion participe à recomposer le puzzle d’une famille fracturée.

Les réactions à Paris ont été d’autant plus fortes que le film arrive dans un moment où la France interroge sa propre relation avec le monde arabe : immigration, identité, jeunesse, violence politique, mais aussi art, créativité et nouvelles voix féminines.

Les Filles d’Olfa rappelle, avec une force rare, que derrière les débats sociaux se trouvent des histoires de chair et de sang, de mères et de filles, de fractures intimes qui traversent les frontières.

Dans plusieurs projections parisiennes, des spectateurs ont salué la présence lumineuse de Hend Sabri, dont l’interprétation équilibre fragilité et puissance. L’actrice, très aimée en France, apporte une profondeur émotionnelle qui amplifie l’impact du film.

La distribution exceptionnelle contribue à transformer cette histoire tunisienne en récit universel. Le montage, signé Qutaiba Barhamji, renforce cette tension permanente entre le réel et la fiction, donnant au film une respiration presque musicale.

La photographie de Farouk Laaridh joue sur les contrastes : ombres serrées, lumières douces, visages capturés dans leur vérité.

Paris, qui se passionne depuis plusieurs années pour les voix féminines du cinéma arabe (Nadine Labaki, Mounia Meddour, Maryam Touzani), voit dans Ben Hania une nouvelle grande figure : une auteure qui ne craint pas de toucher au politique à travers le personnel, qui utilise l’art pour restituer la dignité des femmes oubliées.

Mais ce qui explique vraiment le succès du film dans la capitale française, c’est la manière dont il raconte l’Orient : non pas comme une énigme lointaine, mais comme une réalité vivante, moderne, traversée de contradictions et d’espoirs.

À travers Olfa et ses filles, c’est tout un monde arabe contemporain qui apparaît, loin des clichés, avec une densité humaine qui fascine le public parisien.

En quittant la salle, on ne sort pas indemne.

On sort plus lucide, plus ému, parfois même bouleversé.

Et c’est précisément là que réside la grandeur du film : dans sa capacité à transformer le cinéma en acte de réparation, en geste de mémoire, en pont entre des cultures qui croyaient ne plus savoir se parler.

Les Filles d’Olfa n’est pas seulement un film.

C’est une conversation entre Tunis et Paris.

Un cri venu de l’intime qui résonne au cœur de l’Europe.

Une œuvre qui inscrit, avec une force rare, le cinéma arabe au centre du débat culturel français contemporain.

PO4OR – Portail de l’Orient, Paris

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