Capharnaüm: le film qui a marqué durablement l’imaginaire médiatique et le public français

Capharnaüm: le film qui a marqué durablement l’imaginaire médiatique et le public français
Nadine Labaki aux côtés de Zain Al Rafeea, sur le tournage de Capharnaüm, film devenu une référence du cinéma social auprès du public français.

Lorsque Capharnaüm de Nadine Labaki arrive sur les écrans français, il ne s’inscrit pas dans le simple calendrier des sorties internationales. Le film entre immédiatement dans un espace plus rare : celui des œuvres qui provoquent une réaction collective, à la fois émotionnelle, critique et morale. En France, et plus particulièrement à Paris, Capharnaüm n’a pas été perçu comme un « film étranger » venu du monde arabe, mais comme une expérience cinématographique capable de dialoguer frontalement avec les préoccupations universelles du public français : l’enfance abandonnée, la responsabilité sociale, la faillite des systèmes de protection et la violence silencieuse de la pauvreté.

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2018, où il remporte le Prix du Jury, Capharnaüm bénéficie immédiatement d’une exposition médiatique exceptionnelle. Mais ce qui distingue sa trajectoire française, c’est la manière dont cette reconnaissance critique s’est prolongée bien au-delà du cadre festivalier pour toucher un public large, fidèle et durable.

Un choc émotionnel immédiatement lisible en France

Le récit est d’une radicalité simple : Zain, enfant libanais livré à lui-même, décide d’attaquer ses parents en justice pour l’avoir mis au monde. Cette prémisse, presque absurde en apparence, a immédiatement trouvé un écho en France, pays où la tradition du cinéma social est profondément ancrée. La presse française a rapidement identifié dans Capharnaüm une filiation avec un certain cinéma réaliste européen, tout en soulignant sa singularité formelle et émotionnelle.

Contrairement à de nombreux films à thèse, Capharnaüm ne cherche pas à convaincre par le discours. Il impose une expérience sensorielle, presque physique. La caméra, constamment au plus près des corps, refuse la distance confortable. Cette proximité radicale a été largement commentée par les critiques français, qui y ont vu un choix éthique autant qu’esthétique.

Une réception médiatique exceptionnelle

En France, Capharnaüm a bénéficié d’une couverture médiatique rare pour un film arabe. Les grands quotidiens, les hebdomadaires culturels, les émissions de radio et de télévision ont largement accompagné sa sortie. Le film a été analysé non seulement comme un objet cinématographique, mais comme un révélateur social.

La critique française a souligné la capacité de Nadine Labaki à éviter le piège du misérabilisme. Là où le sujet aurait pu basculer dans une accumulation de souffrances, la mise en scène conserve une forme de pudeur et de dignité. Cette retenue a joué un rôle clé dans l’adhésion du public français, souvent méfiant face aux récits trop démonstratifs.

Un succès public durable

Au-delà de la critique, Capharnaüm a connu un véritable succès en salles en France, porté par le bouche-à-oreille. Les séances dans les cinémas d’art et d’essai parisiens ont souvent donné lieu à des débats spontanés, preuve d’un engagement émotionnel profond. Le film a également été largement projeté dans les lycées, les universités et les associations, prolongeant sa vie bien après sa sortie commerciale.

Ce succès tient en grande partie au personnage de Zain, interprété par Zain Al Rafeea, dont la présence à l’écran a bouleversé le public français. Son jeu, instinctif et non formaté, a été perçu comme une vérité brute, échappant aux codes habituels de l’interprétation cinématographique.

Nadine Labaki, une autrice reconnue en France

La trajectoire française de Capharnaüm s’inscrit également dans une relation déjà établie entre Nadine Labaki et le public français. Ses films précédents avaient préparé le terrain, mais Capharnaüm marque un tournant. En France, Labaki est désormais perçue non seulement comme une réalisatrice libanaise, mais comme une autrice de cinéma mondial, capable de traiter des sujets locaux avec une portée universelle.

La presse française a souvent insisté sur sa capacité à conjuguer engagement et narration, émotion et structure. Ce positionnement correspond parfaitement aux attentes d’un public français attentif à la cohérence entre le fond et la forme.

Une œuvre devenue référence

Avec le temps, Capharnaüm a dépassé son statut de film événement pour devenir une référence du cinéma social contemporain en France. Il est régulièrement cité dans des débats sur le cinéma engagé, l’enfance, les migrations et les responsabilités collectives. Sa longévité critique et pédagogique confirme qu’il ne s’agissait pas d’un succès circonstanciel, mais d’une œuvre appelée à durer.

En France, Capharnaüm n’a pas simplement rencontré un public ; il a rencontré une conscience collective. Le film a su toucher une société sensible aux questions de justice sociale sans jamais céder à la facilité morale. C’est précisément cette capacité à maintenir le spectateur dans un état d’inconfort lucide qui explique l’empreinte profonde laissée par Capharnaüm dans l’imaginaire médiatique et cinématographique français.

Plus qu’un film, Capharnaüm est devenu en France un point de référence, une œuvre qui rappelle que le cinéma, lorsqu’il est maîtrisé et sincère, peut encore provoquer une réflexion durable bien au-delà de l’écran.

Rédaction : Bureau de Paris – PO4OR

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