Du bisht du Golfe au koshari égyptien : 68 traditions en quête d’une reconnaissance mondiale de l’UNESCO

Du bisht du Golfe au koshari égyptien : 68 traditions en quête d’une reconnaissance mondiale de l’UNESCO
Du cérémoniel local à la scène mondiale : le bisht et la question du patrimoine immatériel

La scène est résolument mondiale. Des rituels vestimentaires du Golfe aux saveurs populaires du Caire, des chants ruraux du Yémen aux fêtes lumineuses de l’Inde, 68 éléments du patrimoine culturel immatériel sont aujourd’hui en attente de reconnaissance par l’UNESCO.
Réunis à New Delhi, les représentants de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture examinent, de mardi à jeudi, des candidatures émanant de 78 pays, dans ce qui constitue l’un des panoramas culturels les plus riches de ces dernières années.

Le bisht, vêtement et symbole

Parmi les candidatures les plus médiatisées figure le bisht, manteau traditionnel masculin porté dans les pays du Golfe. Sans manches, doté de larges ouvertures latérales, il incarne à la fois l’élégance, le statut social et une continuité historique profondément ancrée dans l’identité régionale.

La renommée internationale du bisht s’est accrue de manière spectaculaire lors de la finale de la Coupe du monde 2022, lorsque l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, en revêtit Lionel Messi avant la remise du trophée.
En Arabie saoudite, cette dimension symbolique a été renforcée l’an dernier par une décision gouvernementale encourageant le port du bisht lors des cérémonies officielles, affirmant ainsi sa place comme marqueur culturel vivant.

Le koshari, mémoire populaire du Caire

Autre candidat emblématique : le koshari égyptien, plat populaire par excellence, composé de riz, de pâtes, de lentilles et d’oignons frits, nappés d’une sauce tomate épicée. Bien plus qu’une recette, le koshari est un rituel social, partagé dans la rue, dans les foyers et les échoppes du Caire.
Accompagné de la célèbre dokka, mélange de vinaigre et d’ail, il incarne une cuisine du quotidien devenue patrimoine collectif.

Le chant yéménite, poésie du territoire

Le chant musical yéménite figure également parmi les traditions en lice. Issu du monde rural, il se distingue par une poésie minutieuse, une relation intime à la nature et à la vie quotidienne. Fragmenté en plusieurs écoles régionales, il trouve son expression la plus reconnue dans le ghinâ’ san‘ani, rattaché à la ville de Sanaa, et considéré comme l’une des formes musicales les plus anciennes et raffinées de la péninsule Arabique.

Un dialogue mondial des traditions

La liste longue soumise à l’UNESCO traverse continents et civilisations. On y retrouve le cuarteto argentin, la danse son cubaine, le yodel suisse, la musique highlife ghanéenne, le jeu de cornemuse bulgare, mais aussi des pratiques inattendues comme la culture des piscines géothermiques islandaises.

L’Inde, pays hôte de la réunion, voit figurer parmi les candidatures le festival hindou des lumières Diwali, tandis que l’Italie défend son patrimoine culinaire et que Chypre présente le vin Commandaria, dont la production remonterait à plus de huit mille ans.

Le sens d’une reconnaissance

Toutes les candidatures validées viendront enrichir la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, dont l’objectif est de préserver des pratiques vivantes et de sensibiliser à leur diversité.
S’exprimant devant les délégations, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a souligné que chaque reconnaissance dépasse la seule dimension symbolique :
« Ces traditions ne nourrissent pas uniquement la fierté culturelle, elles influencent directement la vie des communautés et leurs moyens de subsistance. »

New Delhi, entre héritage et fragilité

Les travaux se tiennent dans l’enceinte du Fort Rouge de Delhi, monument emblématique du XVIIᵉ siècle classé au patrimoine mondial. Ce lieu, symbole de l’apogée architecturale moghole, accueille pour la première fois un événement international majeur depuis une attaque meurtrière survenue le mois précédent.

Mais ce décor prestigieux rappelle aussi la fragilité du patrimoine : une étude scientifique récente a révélé que la pollution atmosphérique altère progressivement les murs de grès du fort, recouverts d’une couche noire persistante. Une mise en abyme éloquente des enjeux auxquels l’UNESCO est confrontée : reconnaître, protéger et transmettre, dans un monde soumis à de profondes mutations.

Bureau de Paris – PO4OR

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