Le Festival du film franco-arabe, 25 ans de dialogue et de cinéma

Le Festival du film franco-arabe, 25 ans de dialogue et de cinéma
La princesse Rym Ali, présidente de la Commission royale jordanienne du film, lors d’une rencontre dédiée au dialogue culturel et cinématographique.

Depuis un quart de siècle, le Festival du film franco-arabe s’impose comme l’un des rendez-vous culturels les plus emblématiques du dialogue entre la France et le monde arabe. Bien au-delà d’une simple programmation cinématographique, ce festival a progressivement construit un espace rare de rencontre, d’échange et de réflexion, où le cinéma devient un vecteur de compréhension mutuelle, d’empathie et de proximité humaine.

La dernière édition, organisée en juin dernier à Amman, a confirmé cette vocation profonde. Accueilli notamment au théâtre Rainbow, le festival, organisé par l’Institut français de Jordanie en partenariat avec la Commission royale jordanienne du film, et placé sous le patronage de Son Altesse Royale la princesse Rym Ali, a réuni œuvres engagées, publics diversifiés et professionnels du cinéma autour de thématiques contemporaines majeures.

Un festival ancré dans l’actualité humaine et politique

L’ouverture du festival avec le film Évasion de Raqqa (Exfiltrés) du réalisateur français Emmanuel Hamon a donné le ton. Le film aborde avec une rare sobriété la question de l’embrigadement et du basculement idéologique de certains ressortissants occidentaux au sein de l’organisation Daech, à travers le destin de Faustine, une jeune femme quittant Paris avec son fils pour rejoindre la Syrie.

Loin de toute approche sensationnaliste, le film explore l’aveuglement, la désillusion et la violence psychologique, tout en mettant en lumière le combat désespéré d’un père tentant de sauver sa famille. La projection a été suivie d’un débat avec le réalisateur, offrant au public jordanien un espace de dialogue direct autour des mécanismes de radicalisation, de la responsabilité individuelle et des fractures contemporaines.

Cette articulation entre projection et discussion illustre l’ADN du festival: faire du cinéma un outil de réflexion collective, capable de nourrir le débat public sans simplification ni dogmatisme.

Une programmation ouverte sur la diversité du cinéma arabe

La participation de MAD Solutions avec deux films majeurs a renforcé la dimension régionale du festival. Weldi (Mon cher enfant) du réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia et le film d’animation La Tour (The Tower) du réalisateur norvégien Mats Grorud ont offert au public deux regards singuliers sur les réalités sociales et politiques du monde arabe.

Présenté lors de prestigieuses manifestations internationales, Weldi s’est imposé comme l’un des films arabes les plus marquants de ces dernières années. De sa première mondiale à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs à ses récompenses au Festival du film de la Méditerranée de Bastia et au Festival de Gouna, le film a su toucher un public large par la justesse de son récit.

À travers l’histoire de Riadh, père tunisien confronté à la disparition inexpliquée de son fils adolescent, Mohamed Ben Attia livre un portrait d’une rare humanité, où l’intime rejoint le politique. Le film interroge les silences familiaux, la fragilité des équilibres sociaux et l’angoisse silencieuse des parents face à un monde devenu imprévisible.

Le cinéma comme mémoire, transmission et avenir

L’un des apports majeurs du Festival du film franco-arabe réside dans sa capacité à articuler création contemporaine et mémoire collective. Cette dimension s’est traduite, en marge de la programmation, par la signature d’un accord de coopération stratégique entre la Commission royale jordanienne du film et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de France.

Signée en présence de la princesse Rym Ali, membre du conseil d’administration de la Commission, et de l’ambassadrice de France en Jordanie, Caroline Dumas, cette convention marque une étape structurante dans les relations cinématographiques entre les deux pays. Elle vise à renforcer la coopération en matière de production, de distribution, de formation et de préservation du patrimoine cinématographique.

L’accord prévoit notamment le soutien à la circulation des films français et jordaniens, l’encouragement à la coproduction, l’échange d’expertises en matière de politiques cinématographiques et la valorisation des collections nationales. Autant de leviers qui traduisent une vision à long terme du cinéma comme secteur culturel stratégique.

Vingt-cinq ans d’un dialogue patient et essentiel

Après vingt-cinq éditions, le Festival du film franco-arabe apparaît comme un espace de résistance culturelle face aux replis identitaires et aux lectures simplistes du monde. Il rappelle que le cinéma, lorsqu’il est accompagné, contextualisé et partagé, peut devenir un outil puissant de rapprochement entre les sociétés.

À Amman, la dernière édition a démontré que ce dialogue reste plus que jamais nécessaire. Dans un monde fragmenté, marqué par les crises, les conflits et les incompréhensions, le festival continue de défendre une idée essentielle: celle d’un regard croisé, lucide et profondément humain, porté par le langage universel du cinéma.

Rédaction – Bureau d’Amman

Read more