Pendant des décennies, le football égyptien a privilégié les écoles allemande, anglaise puis portugaise pour diriger ses clubs et sa sélection nationale. La présence des entraîneurs français est arrivée plus tard, souvent dans des périodes sensibles où les équipes recherchaient une reconstruction technique, une nouvelle vision ou un souffle tactique différent. L’arrivée de Patrice Carteron à la tête d’Al Ahly fut un moment historique, puisqu’il devint le premier entraîneur français à diriger le club le plus titré d’Afrique. Pourtant, l’histoire du football égyptien compte plusieurs figures françaises qui ont marqué différentes étapes et influencé durablement l’évolution du jeu.

Cet article retrace les parcours les plus marquants des entraîneurs français qui ont laissé une empreinte notable dans les clubs égyptiens.

Gérard Gili, l’urgence d’un nouveau départ

Le passage de Gérard Gili à la tête de la sélection égyptienne est court mais significatif. Après la lourde défaite contre l’Arabie saoudite lors de la Coupe des Confédérations 1999, la Fédération égyptienne choisit le technicien français pour restructurer l’équipe.

Il arrive dans un contexte mental fragile et tente de rétablir organisation et confiance. Malgré un travail sérieux, l’Égypte est éliminée en quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2000 face à la Tunisie, ce qui met fin à son mandat.

Son expérience, bien que brève, représente la première tentative réelle d’intégrer une vision française au sein de l’équipe nationale.

Patrice Neveu, des expériences contrastées mais marquantes

Patrice Neveu découvre l’Égypte sous deux angles différents. Il prend d’abord en main le club d’Ismaily durant la saison 2006–2007, puis revient pour diriger le club de Smouha après son accession à la Premier League lors de la saison 2010–2011.

Avec Smouha, son influence est plus visible. Il impose une organisation tactique rigoureuse, une discipline collective et une approche européenne structurée. Ses résultats positifs renforcent son image, même si son passage à Ismaily n’a pas atteint la même réussite en raison de difficultés internes.

Neveu reste néanmoins l’exemple du technicien capable de s’adapter, de construire progressivement et d’installer une identité de jeu claire.

Sébastien Desabre, l’architecte de la renaissance d’Ismaily

L’arrivée de Sébastien Desabre au début de la saison 2017–2018 marque un tournant pour Ismaily. Le club retrouve sous sa direction une dynamique offensive, une circulation de balle fluide et une structure tactique moderne.

Desabre parvient à replacer Ismaily en tête du championnat à la fin de la première moitié de saison, redonnant au club son style historique basé sur le mouvement, l’intelligence collective et l’intensité.

Son départ soudain pour entraîner une sélection africaine interrompt un projet prometteur, mais son passage demeure l’un des plus réussis d’un entraîneur français dans le championnat égyptien.

Henri Michel, l’élégance tactique au cœur du Zamalek

Henri Michel reste l’un des noms français les plus célèbres en Égypte. Il entraîne le Zamalek à deux reprises, chacune marquée par un contexte différent.

Première période: un projet brillant

Lors de la saison 2006–2007, Michel redonne au Zamalek une identité de jeu séduisante. Son équipe enchaîne les victoires en seconde partie de championnat, battant notamment Al Ahly dans un match marquant.

Le Zamalek atteint la finale de la Coupe d’Égypte 2007 et ne s’incline qu’en prolongation, au terme d’une rencontre spectaculaire.

En dix-sept matchs, Michel signe douze victoires, quatre matchs nuls et une seule défaite. Son empreinte est celle d’un entraîneur capable de libérer les talents et de produire un football ambitieux.

Deuxième période: un retour difficile

Lors de son retour en 2009, le contexte est instable. Pression administrative, effectif en transition et manque de cohésion. Michel ne parvient pas à reproduire la réussite de sa première période. En sept rencontres, il remporte deux victoires seulement.

Malgré cette étape, il reste dans la mémoire des supporters comme l’un des techniciens étrangers les plus influents de l’histoire du club.

Patrice Carteron, une signature historique pour Al Ahly

Lorsque Al Ahly annonce l’arrivée de Patrice Carteron, l’événement est symbolique. Pour la première fois, le club choisit un entraîneur français, rompant avec ses traditions historiques.

Carteron apporte méthode, rigueur, analyse et gestion calme des grands rendez-vous. Bien que son mandat ne s’inscrive pas dans la durée, il ouvre la voie à une considération nouvelle pour les entraîneurs français dans le football égyptien.

Une contribution française plus profonde qu’on ne l’imagine

À travers les expériences de Gili, Neveu, Desabre, Michel et Carteron, une vérité se dessine: l’apport français en Égypte n’a jamais été massif en nombre, mais il a été structurant en qualité.

La philosophie française introduite dans le football égyptien se distingue par:

– une discipline tactique accentuée
– une valorisation du collectif
– une structure défensive pensée et maîtrisée
– une vision progressive du développement du joueur
– un équilibre entre liberté technique et organisation stratégique

Ces principes ont enrichi le championnat égyptien, l’amenant à intégrer davantage d’idées européennes dans sa construction moderne.

Des interventions courtes mais décisives de Gérard Gili, aux reconstructions patientes de Patrice Neveu, en passant par la spectaculaire ascension d’Ismaily sous Sébastien Desabre ou l’élégance tactique d’Henri Michel avec le Zamalek, la présence française a profondément influencé le football égyptien.

Patrice Carteron, en devenant le premier entraîneur français de l’histoire d’Al Ahly, a complété ce tableau en inscrivant un jalon historique dans la relation sportive entre l’Égypte et la France.

L’histoire se poursuit, et l’école française continue de représenter une option respectée, capable d’allier vision moderne, discipline et créativité dans l’un des championnats les plus passionnés du monde arabe.