Les missions archéologiques françaises en Irak à la recherche du berceau de l’humanité

Les missions archéologiques françaises en Irak à la recherche du berceau de l’humanité

Sous le soleil brûlant de Mésopotamie, là où les rivières du Tigre et de l’Euphrate ont vu naître les premières cités du monde, la France creuse depuis plus d’un siècle à la recherche de la mémoire de l’humanité.
Les missions archéologiques françaises en Irak incarnent l’un des plus anciens et prestigieux chapitres de la coopération scientifique entre l’Orient et l’Occident — une aventure intellectuelle, humaine et diplomatique, commencée au XIXᵉ siècle et toujours vivante aujourd’hui.

Aux origines : la naissance de l’archéologie orientale

Tout a commencé en 1843, lorsque Paul-Émile Botta, consul de France à Mossoul, entreprend les premières fouilles de Khorsabad, l’ancienne Dur-Sharrukin, capitale du roi assyrien Sargon II.
Les découvertes sont spectaculaires : bas-reliefs monumentaux, taureaux ailés, inscriptions cunéiformes. Ces merveilles rejoignent ensuite le musée du Louvre, offrant au monde occidental son premier regard direct sur la grandeur des civilisations mésopotamiennes.
Quelques années plus tard, Victor Place poursuit le travail, établissant les bases méthodologiques d’une discipline nouvelle : l’archéologie orientale.

Le XXᵉ siècle : de Mari à Larsa, le temps des grandes découvertes

En 1933, un autre nom entre dans la légende : André Parrot, directeur du musée du Louvre, découvre sur les rives de l’Euphrate le site de Mari, dans l’actuelle Syrie mais au cœur du monde mésopotamien antique.
Sa mission, soutenue par la France, met au jour un palais royal de plus de 250 pièces et 25 000 tablettes cunéiformes — un trésor documentaire inestimable sur la vie politique, économique et diplomatique du IIᵉ millénaire avant J.-C.
Grâce à Mari, la compréhension du Proche-Orient ancien bascule : la ville devient le symbole d’un monde organisé, raffiné, inventif, et la France s’impose comme pionnière de la recherche archéologique mésopotamienne.

Dans le sud de l’Irak, les missions françaises de Tell el-‘Oueili et Larsa explorent quant à elles les racines les plus profondes de la civilisation. Elles révèlent les vestiges des cultures d’‘Ubaid et d’Uruk, témoignant des premières formes d’urbanisation et des débuts de l’écriture.
Ces travaux dessinent une fresque vertigineuse de cinq millénaires d’histoire humaine.

Le renouveau : l’Irak contemporain et la coopération scientifique

Après des décennies d’interruption dues aux guerres, aux sanctions et à l’instabilité politique, la France est revenue sur le terrain irakien au début des années 2010.
Sous l’impulsion du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, plusieurs missions ont repris vie, notamment dans la région du Kurdistan irakien, devenue un véritable laboratoire archéologique à ciel ouvert.

Le projet le plus emblématique est celui de Qasr Shemamok (l’ancienne Kilizu), situé à une vingtaine de kilomètres d’Erbil.
Dirigée par Maria Grazia Masetti-Rouault et Olivier Rouault, la mission franco-irakienne a révélé les vestiges d’un vaste centre administratif assyrien, des remparts monumentaux attribués à Sennachérib, ainsi qu’une stratigraphie couvrant plus de 4000 ans d’occupation continue.
Grâce aux technologies modernes – drones, relevés 3D, cartographie satellitaire – les archéologues reconstituent peu à peu la morphologie urbaine d’une cité oubliée.

Un héritage scientifique et humain exceptionnel

Les missions françaises ont profondément marqué la recherche archéologique mondiale :

  1. Déchiffrer la parole des anciens : les tablettes découvertes par les Français ont permis d’avancer décisivement dans la compréhension du cunéiforme et des langues sumérienne, akkadienne et assyrienne.
  2. Inventer la méthode moderne : la rigueur documentaire, la stratigraphie, la photographie de fouille – tout un savoir-faire qui a façonné l’archéologie contemporaine.
  3. Former des générations d’archéologues irakiens : les coopérations universitaires entre Lyon, Paris et Bagdad ont favorisé un transfert durable de compétences.
  4. Protéger le patrimoine : la France s’est engagée, après la destruction de sites par Daech, à documenter, restaurer et numériser les monuments menacés.

Au-delà des ruines : un pont entre Orient et Occident

Plus qu’une aventure scientifique, ces missions racontent une rencontre entre deux civilisations.
La France ne vient pas seulement chercher des vestiges, mais tisser des liens, partager des savoirs et rappeler que la Mésopotamie appartient à la mémoire de tous.
Dans les salles du Louvre comme sur les plaines d’Erbil, c’est une même idée qui se prolonge : celle d’un dialogue millénaire entre la lumière de l’Orient et la curiosité de l’Occident.

Un passé pour éclairer l’avenir

Aujourd’hui, les missions archéologiques françaises en Irak ne se contentent plus de fouiller le sol ; elles participent à un projet universel : réconcilier l’humanité avec son histoire.
Elles rappellent, dans un monde en mutation, que l’avenir se construit toujours sur les fondations du passé.

PO4OR – Portail de l’Orient célèbre à travers ce reportage la continuité d’un engagement scientifique et culturel qui fait du patrimoine un langage commun entre les peuples.


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