L’Olympia : quand les voix arabes rencontrent l’âme de Paris
Ali Al-Hussien – PO4OR, Portail de l’Orient
Il existe des scènes capables de transformer la carrière d’un artiste. Certaines salles portent une charge émotionnelle si forte qu’elles deviennent des lieux où la musique se dépose comme une empreinte durable. À Paris, l’Olympia occupe une place unique. Pour les artistes arabes, y chanter représente bien plus qu’un moment artistique. C’est une reconnaissance internationale, un passage vers un autre espace culturel et un dialogue vivant entre deux mondes.
Oum Kalthoum en 1967
Lorsque Oum Kalthoum se présente à l’Olympia en 1967, l’Égypte traverse une période difficile après la guerre des Six Jours. La diva se produit afin de soutenir l’effort national. Le public parisien découvre alors une artiste dont la voix domine les scènes arabes depuis des décennies. La soirée reste célèbre pour l’incident au cours duquel un admirateur tente de lui embrasser le pied. Oum Kalthoum refuse et perd l’équilibre. Les musiciens accourent immédiatement pour l’aider et l’accompagnent hors de la scène. Ce moment inattendu n’a fait que renforcer l’aura humaine et artistique de la chanteuse.
Fairouz en 1979
En 1979, Fairouz devient la troisième artiste arabe à se produire à l’Olympia. Le Liban vit les premières années de la guerre civile. La diaspora libanaise se rend en masse à la salle parisienne. Lorsque Fairouz interprète la chanson Bhebbak Ya Lebnan, la salle entière réagit comme un corps uni. Pour beaucoup, ce concert représente un refuge affectif dans un moment historique difficile. La voix de Fairouz devient à Paris un lien direct avec leur pays blessé.
Abdel Halim Hafez en 1974
En 1974, Abdel Halim Hafez choisit de chanter à l’Olympia malgré une santé fragile. Sa prestation est chargée d’émotion. Sa voix, parfois marquée par la maladie, touche profondément les spectateurs venus de plusieurs pays. Les témoignages rapportent que cette soirée fut l’une des plus intenses de sa carrière. Le public l’accompagne durant tout le concert avec une sensibilité rare.
Majida El Roumi en 1993
En 1993, Majida El Roumi donne trois concerts consécutifs à l’Olympia. Les soirées affichent complet. Le public libanais, arabe et français participe activement et transforme l’événement en célébration culturelle. Majida interprète des textes de Nizar Qabbani, Mahmoud Darwich, Soad El Sabah et Ansi El Hajj. Elle rend ensuite hommage à Édith Piaf avec la chanson Padam Padam, puis chante en français La Liberté de Victor Hugo. Son élégance et sa maîtrise vocale marquent profondément les spectateurs.
Warda en 1995
En 1995, Warda chante à l’Olympia malgré un état de santé délicat. La communauté algérienne en France est largement présente. Au début du concert, un drapeau algérien lui est tendu. Warda l’embrasse avec émotion avant de le poser sur les bouquets de fleurs qui décorent la scène. Elle s’adresse au public en arabe et en français et offre un moment chaleureux et humain. La soirée reste l’une des plus marquantes de sa carrière.
Nancy Ajram en 2016
En 2016, Nancy Ajram rejoint à son tour la liste des artistes arabes qui se sont produits à l’Olympia. La chanteuse attire un public divers venu de plusieurs pays européens. La salle réagit avec enthousiasme à ses succès les plus connus. Les refrains sont repris d’une seule voix. L’énergie de Nancy Ajram, son contact naturel avec le public et son aisance scénique donnent à cette soirée un caractère festif et moderne. Son concert confirme sa place parmi les artistes arabes capables de rassembler un large public international.
Ragheb Alama et l’Olympia
Pour Ragheb Alama, la relation avec Paris commence avant la célébrité. Pendant les années de guerre civile au Liban, il se produit dans les restaurants de la capitale française. Cette période forme ses premiers pas artistiques. En 2023, lorsqu’il revient à l’Olympia pour un concert annoncé complet plusieurs jours à l’avance, il vit une soirée exceptionnelle. Il décrit son sentiment comme celui d’un artiste porté par le public. Deux heures de musique partagée créent une atmosphère inoubliable.
Une présence arabe solidement installée
D’autres artistes comme Ahlam, Kadim Al Sahir et Saber Rebai ont également marqué la scène parisienne. Leur présence confirme que l’Olympia est devenue un espace naturel pour la musique arabe. Le public y est composé de Français, de membres des diasporas arabes et de mélomanes attirés par la richesse des voix orientales.
Pourquoi l’Olympia est-elle une étape majeure pour les artistes arabes
Se produire à l’Olympia, c’est entrer dans une histoire musicale prestigieuse. La salle évoque immédiatement Édith Piaf, Gilbert Bécaud, Dalida ou encore Charles Aznavour. Pour un artiste arabe, y chanter signifie être reconnu dans un espace culturel qui dépasse les frontières linguistiques. C’est aussi la possibilité de rencontrer un public international et de confirmer la dimension universelle de son art
Depuis Oum Kalthoum jusqu’à Nancy Ajram, en passant par Fairouz, Abdel Halim Hafez, Warda et Majida El Roumi, chaque passage à l’Olympia raconte un chapitre particulier de l’histoire musicale entre l’Orient et Paris. La salle parisienne reste un lieu où les voix arabes trouvent un écho puissant et durable. Tant que les artistes continueront de chercher un espace de partage et de lumière, l’Olympia restera l’un des points de rencontre les plus importants entre les cultures arabes et la capitale française.
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