Suzanne Brèsseau : La lumière française de Taha Hussein

C’est à la Sorbonne, à Paris, que Taha Hussein, jeune boursier venu d’Égypte, rencontra Suzanne. Il ne voyait pas les visages, mais il entendait les âmes

Suzanne Brèsseau : La lumière française de Taha Hussein

Ali Al-Hussien – PO4OR, Portail de l’Orient

Dans l’histoire moderne de la culture arabe, rares sont les femmes qui ont exercé une influence aussi profonde et discrète que Suzanne Brèsseau, l’épouse française du grand écrivain égyptien Taha Hussein.
Elle fut pour lui bien plus qu’une compagne : elle fut ses yeux, sa voix, son souffle — celle qui lui ouvrit les portes d’un monde où l’Orient et l’Occident pouvaient se regarder, non en rivaux, mais en miroirs.


Une rencontre née de la lumière intérieure

C’est à la Sorbonne, à Paris, que Taha Hussein, jeune boursier venu d’Égypte, rencontra Suzanne.
Il ne voyait pas les visages, mais il entendait les âmes.
Dans sa voix, il reconnut la clarté, la tendresse et l’intelligence qui allaient illuminer le reste de sa vie.
Contre les conventions sociales et les distances culturelles, ils unirent leurs vies en 1917 — dans un mariage qui ne fut pas seulement amoureux, mais spirituel et intellectuel.


Une femme, un pont entre deux civilisations

Suzanne ne fut pas une simple épouse attentive.
Elle devint la médiatrice entre deux langues, deux cultures, deux visions du monde.
Elle lui lisait Racine et Voltaire, il lui dictait les pages d’« Al-Ayyam », son autobiographie devenue un monument de la littérature arabe moderne.
En elle, il voyait la France de la raison, et elle découvrait en lui l’Orient de la profondeur.

Par son regard qu’il empruntait Taha Hussein s’ouvrit à l’universalisme, à la tolérance, à la modernité.
Et par son amour, Suzanne apprit qu’on pouvait aimer un homme sans voir ses yeux, mais en devinant la lumière qui brûle en lui.


Une complicité au-delà des mots

Ils vécurent plus d’un demi-siècle d’une union rare.
Elle l’accompagnait dans chaque voyage, chaque conférence, chaque combat intellectuel.
Elle écrivait pour lui, traduisait, corrigeait, soutenait.
Quand on lui demanda un jour :

« Comment a-t-il pu devenir le doyen de la littérature arabe malgré sa cécité ? »
Suzanne répondit doucement :
« Parce qu’il voyait avec le cœur. »

Un symbole de l’intégration véritable

Bien avant que les mots dialogue des civilisations ou inclusion culturelle ne deviennent des slogans, Taha Hussein et Suzanne les vivaient au quotidien.
Leur foyer du Caire était un laboratoire de coexistence : le français et l’arabe y cohabitaient, les idées circulaient, les enfants lisaient à la fois Hugo et le Coran.
C’était un modèle d’« intégration de l’esprit », où chacun gardait son identité tout en s’enrichissant de l’autre.


L’amour comme métaphore du monde

Quand Taha Hussein mourut en 1973, Suzanne écrivit un livre bouleversant :
« Avec toi » (Avec toi toujours, mon bien-aimé),
où elle retraçait ce demi-siècle de lumière partagée.
Elle y résumait tout le sens de leur union :

« J’ai été ses yeux, mais c’est lui qui m’a appris à voir. »

Dans cette phrase se condense toute la philosophie du couple :
que l’amour véritable est une forme de connaissance,
et que la fusion des cultures n’est pas une perte mais une renaissance.


Épilogue

Aujourd’hui encore, l’histoire de Suzanne et Taha Hussein inspire écrivains, penseurs et artistes des deux rives de la Méditerranée.
Elle nous rappelle que la rencontre de l’Orient et de l’Occident n’est pas un choc, mais un dialogue du cœur et de l’esprit.
Et qu’il faut parfois une femme, une voix, un amour pour que les civilisations se comprennent enfin.


PO4OR – Portail de l’Orient
Le pont entre les cultures, les mots et les âmes.


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