Vingt ans après l’assassinat de Gebran Tuéni, une mémoire toujours active dans la presse française
Vingt ans après sa disparition, Gebran Tuéni demeure une référence constante dans l’espace médiatique français. Loin d’un simple hommage commémoratif, son nom continue d’alimenter une réflexion de fond sur la liberté de la presse, la responsabilité du journaliste et la violence politique exercée contre la parole critique. Une persistance qui dit autant de Tuéni que du regard français porté sur le journalisme engagé.
Une figure immédiatement lisible pour le regard français
Gebran Tuéni occupait une place singulière dans le paysage médiatique libanais. Directeur de publication du quotidien An-Nahar, héritier d’une grande tradition de presse écrite tout en étant acteur politique engagé, il incarnait un modèle familier à la culture journalistique française : celui du journaliste-intellectuel, à la fois producteur de sens et acteur du débat public.
Cette proximité explique pourquoi son assassinat, le 12 décembre 2005 à Beyrouth, fut perçu en France non comme un fait périphérique, mais comme une atteinte directe à un principe fondamental : la liberté d’informer.
Un assassinat interprété comme un signal d’alarme
La couverture française de l’attentat a immédiatement inscrit la mort de Tuéni dans une réflexion plus large sur la violence politique contre les journalistes. Le cumul de ses fonctions — directeur de journal et député — renforçait la portée symbolique de son élimination.
Dès lors, une question centrale s’est imposée dans le discours médiatique français, et continue d’y revenir : que devient l’espace public lorsque ceux qui structurent le débat sont réduits au silence par la force ?
Une mémoire entretenue par les institutions professionnelles
La persistance de Gebran Tuéni dans la presse française s’explique aussi par l’engagement des organisations de défense de la liberté de la presse. Reporters sans frontières, notamment, cite régulièrement son nom parmi les journalistes assassinés dont les affaires demeurent emblématiques de l’impunité.
À travers Tuéni, ces institutions rappellent que la violence contre les journalistes n’est pas un phénomène localisé, mais un enjeu global qui concerne directement les démocraties attachées à la liberté d’expression.
Une présence dans le champ académique
En France, la figure de Gebran Tuéni a également intégré le champ universitaire. Des travaux de recherche et thèses de doctorat analysent ses écrits, sa pensée politique et son rôle dans la formulation moderne de la souveraineté libanaise.
Cette reconnaissance académique distingue Tuéni de nombreuses figures journalistiques du monde arabe : il n’est pas seulement commémoré, mais étudié, interprété et débattu comme une référence intellectuelle durable.
Le rôle de la presse francophone libanaise
Le quotidien L’Orient-Le Jour joue un rôle central dans cette continuité mémorielle. Journal francophone ancré au Liban, il assure une circulation naturelle de la mémoire de Tuéni entre Beyrouth et Paris.
Chaque anniversaire devient l’occasion non d’un rituel figé, mais d’une relecture critique de son héritage, inscrite dans une histoire longue du journalisme francophone au Levant.
Une mémoire qui refuse la clôture
Vingt ans après, aucun discours médiatique français ne traite l’assassinat de Gebran Tuéni comme une affaire close. L’absence de justice pleinement établie empêche toute normalisation du souvenir.
Chaque rappel de son nom réactive une interrogation fondamentale sur la protection des journalistes et la responsabilité des États face à la violence politique.
Si la presse française continue, vingt ans après, de faire vivre la mémoire de Gebran Tuéni, ce n’est ni par automatisme ni par nostalgie. C’est parce que son assassinat demeure un point de référence incontournable dans la réflexion contemporaine sur la liberté de la presse.
Plus qu’un journaliste disparu, Tuéni est devenu un repère critique permanent, rappelant que l’information libre reste, partout, un combat quotidien.
Bureau de Paris – PO4OR