Zahi Hawass dans l’imaginaire culturel français
Dans l’imaginaire culturel français, Zahi Hawass n’est pas perçu comme un simple archéologue égyptien ni comme un ancien responsable institutionnel du patrimoine. Il incarne une figure-frontière, à la croisée du savoir scientifique, de la souveraineté culturelle et de la mise en scène médiatique. Une personnalité qui cristallise, à elle seule, la relation singulière que la France entretient avec l’Égypte antique : fascination savante, héritage historique, mais aussi débat sur la légitimité du regard occidental.
Cette place particulière ne repose ni sur une affiliation académique française ni sur une implantation durable en France, mais sur un positionnement symbolique construit au fil de décennies d’interactions avec les institutions, les médias et le champ intellectuel français.
L’Égypte ancienne, une construction française
Pour comprendre la réception de Zahi Hawass en France, il faut d’abord rappeler que l’égyptologie y est bien plus qu’une discipline universitaire. Depuis la campagne napoléonienne et Champollion, l’Égypte ancienne appartient au récit culturel français. Le Louvre, l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, les grandes écoles et universités ont contribué à faire de l’égyptologie un domaine où la France se perçoit historiquement comme légitime.
Lorsque Zahi Hawass émerge sur la scène internationale dans les années 1990, il s’inscrit dans ce paysage non pas comme un héritier de cette tradition, mais comme celui qui en déplace le centre de gravité. Dans l’imaginaire français, il apparaît comme la voix égyptienne qui reprend la main sur un récit longtemps raconté depuis l’Europe.
Une figure à double lecture : le savant et le symbole
La perception française de Zahi Hawass repose sur une dualité constante.
Sur le plan scientifique, il est reconnu comme un archéologue de terrain, acteur majeur de fouilles importantes, gestionnaire de sites emblématiques, et interlocuteur direct des missions françaises opérant en Égypte. À ce niveau, son autorité est rarement contestée, même par ceux qui critiquent son style.
Sur le plan symbolique et médiatique, il devient une figure plus ambivalente. Sa présence télévisuelle, son discours affirmé, son esthétique reconnaissable et sa capacité à transformer l’archéologie en événement public le placent, aux yeux de certains observateurs français, à la frontière entre le scientifique et le communicant.
Mais cette tension n’affaiblit pas son image ; elle la rend lisible. La culture française, attachée à la rigueur intellectuelle mais sensible aux grandes figures incarnées du savoir, reconnaît en Zahi Hawass une personnalité qui donne un visage à la connaissance, quitte à susciter le débat.
Une relation fondée sur la négociation, non sur la dépendance
Dans l’imaginaire culturel français, Zahi Hawass n’est jamais perçu comme un produit du système occidental. Il est au contraire vu comme un acteur capable d’en maîtriser les codes tout en les contestant. Son discours sur la restitution des œuvres, la souveraineté patrimoniale et la responsabilité des musées occidentaux a trouvé en France un écho particulier : ferme, mais rarement frontal.
Cette posture de négociation, plus que de confrontation, a contribué à sa crédibilité auprès des institutions françaises. Il est perçu comme un partenaire exigeant, parfois dérangeant, mais intellectuellement légitime.
Une présence diffuse dans l’espace culturel français
Zahi Hawass n’a jamais occupé de poste officiel en France, mais son influence s’exerce de manière diffuse : conférences, documentaires diffusés sur les chaînes françaises, débats académiques, expositions et programmations liées à l’Égypte ancienne. Son nom surgit régulièrement dès lors que la question de l’autorité scientifique ou de la propriété symbolique du passé égyptien est posée.
Même absent physiquement, il demeure présent dans le débat.
Le rôle structurant de la controverse
La culture intellectuelle française ne redoute pas la controverse ; elle l’intègre comme moteur de réflexion. De ce point de vue, les critiques adressées à Zahi Hawass — personnalisation du discours, omniprésence médiatique, confusion supposée entre science et politique — participent pleinement à la construction de son image.
Pour beaucoup, il est celui qui a rompu avec une tradition d’archéologues silencieux pour affirmer que l’archéologie est aussi une affaire de pouvoir, de récit et de souveraineté. En France, cette dimension politique n’est pas rejetée : elle est discutée.
Entre admiration et réserve
Le regard français sur Zahi Hawass oscille ainsi entre admiration et prudence. Admiration pour sa capacité à redonner à l’Égypte une voix centrale dans la narration de son propre passé. Réserve face à la centralité de sa personne et à la spectacularisation du discours scientifique.
Mais cette ambivalence est précisément ce qui inscrit durablement Zahi Hawass dans l’imaginaire culturel français.
Une figure-miroir de la relation France–Orient
Au-delà de l’homme, Zahi Hawass fonctionne en France comme un symbole de transformation : celui d’un Orient qui ne se contente plus d’être objet d’étude, mais devient sujet de savoir. Il incarne une relation rééquilibrée, où le dialogue remplace l’appropriation silencieuse.
Dans cette perspective, il n’est ni un héritier de la tradition française, ni son adversaire. Il en est l’interlocuteur critique.
Conclusion
Dans l’imaginaire culturel français contemporain, Zahi Hawass occupe une place singulière : celle d’une figure complexe, parfois contestée, mais incontournable. Savant, stratège culturel et symbole de souveraineté intellectuelle, il a contribué à redéfinir la manière dont la France regarde l’Égypte ancienne — non plus comme un champ d’étude unilatéral, mais comme un espace de dialogue, de tension et de reconnaissance mutuelle.
C’est cette capacité à déplacer les lignes, plus encore que ses découvertes, qui lui confère une place durable dans la mémoire culturelle française.
Bureau de Paris