Aziza Nait Sibaha, la clarté tranquille qui honore le paysage médiatique français

Aziza Nait Sibaha, la clarté tranquille qui honore le paysage médiatique français
Aziza Nait Sibaha, figure médiatique sobre et exigeante, incarne un journalisme de dialogue qui honore la présence arabe dans le paysage audiovisuel français.

Dans un paysage médiatique souvent dominé par la surenchère, la vitesse et la quête permanente de visibilité, certaines présences s’imposent autrement. Elles ne cherchent ni l’effet immédiat ni l’exposition excessive. Elles construisent, dans la durée, une crédibilité fondée sur la rigueur, la constance et une forme rare de justesse. Aziza Nait Sibaha appartient à cette catégorie de journalistes dont la présence à l’écran ne relève pas de la performance, mais de la responsabilité.

Figure centrale de France 24, où elle officie en arabe et en français, elle incarne depuis près de deux décennies un journalisme de fond, attentif aux trajectoires humaines autant qu’aux enjeux politiques et culturels. À travers son émission « Invité et parcours », devenue au fil du temps l’un des rendez-vous les plus installés de la chaîne, Aziza Nait Sibaha a contribué à redonner au dialogue télévisé une densité souvent mise à mal par les formats courts et les logiques de confrontation.

Une vocation forgée tôt

Née au Maroc, Aziza Nait Sibaha découvre très jeune le pouvoir du récit et de l’information. Adolescente, elle suit avec assiduité les grands bouleversements géopolitiques du début des années 1990, consignant les faits, les chiffres, les déclarations. Ce rapport précoce à l’actualité n’a rien d’anecdotique : il révèle déjà une attention méthodique au monde, une volonté de comprendre plutôt que de juger.

Ses premiers pas professionnels se font dans la presse écrite marocaine, un terrain d’apprentissage exigeant où elle affine son écriture, son sens de la hiérarchisation de l’information et sa capacité à enquêter. Pendant près de neuf ans, elle construit une solide expérience journalistique, avant d’élargir son champ d’action vers la radio et l’international, notamment à Paris et au sein de médias francophones de référence.

Paris, non comme décor, mais comme méthode

L’arrivée en France marque une étape décisive, non comme rupture, mais comme approfondissement. À Paris, Aziza Nait Sibaha poursuit une formation en sciences politiques internationales, consolidant une culture analytique qui nourrira durablement son travail journalistique. La capitale française devient pour elle un espace de structuration intellectuelle : un lieu où l’exigence éditoriale, la pluralité des regards et le temps long du débat façonnent une pratique rigoureuse de l’information.

En 2006, elle rejoint France 24, au moment où la chaîne affirme son ambition internationale. Très vite, sa maîtrise des codes audiovisuels, sa capacité à naviguer entre plusieurs langues et son sens aigu de l’entretien en font l’un des visages les plus identifiables de la rédaction.

« Invité et parcours » : le temps long comme choix éditorial

Lancée initialement sous un format plus court, l’émission « Invité et parcours » s’impose progressivement comme un espace rare dans le paysage audiovisuel arabe et francophone. Son principe est simple en apparence : donner le temps. Le temps d’écouter, de questionner, de revenir sur les bifurcations d’une trajectoire personnelle ou professionnelle.

En une décennie, Aziza Nait Sibaha y a reçu des centaines de personnalités venues de tous les horizons : responsables politiques, artistes, écrivains, intellectuels, figures de la société civile. La diversité géographique et générationnelle des invités reflète une vision inclusive du monde arabe, loin des récits figés ou des hiérarchies convenues.

Son style d’entretien se distingue par une sobriété assumée. Elle n’interrompt pas pour dominer, mais pour relancer. Elle n’élève pas la voix pour imposer, mais pour préciser. Face aux responsables politiques, elle refuse la langue de bois ; face aux créateurs, elle évite l’admiration complaisante. Cette posture, à la fois ferme et respectueuse, a contribué à instaurer un climat de confiance rare à la télévision.

Une éthique du dialogue

Ce qui singularise Aziza Nait Sibaha, c’est sans doute sa conception du journalisme comme espace de responsabilité publique. Elle considère l’entretien non comme une scène de performance, mais comme un acte de médiation entre un invité et un public. Cette approche se traduit par une attention constante à la formulation des questions, à leur enchaînement, et à ce qu’elles révèlent des zones de tension, de doute ou de contradiction.

Dans un contexte médiatique souvent polarisé, elle défend une ligne claire : la complexité n’est pas un défaut, mais une nécessité. Cette exigence explique la fidélité de son audience, qui s’étend bien au-delà des plateaux parisiens, du Maghreb au Machrek.

Un engagement au-delà de l’antenne

Loin de se limiter à son rôle à l’écran, Aziza Nait Sibaha s’investit également dans des projets éditoriaux porteurs de sens. Le lancement de la revue numérique « Taja », dédiée à la pratique sportive féminine au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, témoigne de cette volonté d’agir sur des terrains insuffisamment couverts par les médias traditionnels.

Ce projet, pensé comme un espace accessible et gratuit, s’inscrit dans une démarche cohérente avec son parcours : donner de la visibilité à celles et ceux que les récits dominants relèguent trop souvent à la marge, sans céder au militantisme simplificateur.

Une présence qui honore l’écran

Dans le paysage audiovisuel français, Aziza Nait Sibaha incarne une figure rare : celle d’une journaliste dont la crédibilité ne repose ni sur l’exposition permanente ni sur la polémique, mais sur une autorité tranquille. Son parcours illustre la possibilité d’un journalisme exigeant, transnational, fidèle à l’éthique du métier.

Elle fait partie de ces visages qui n’occupent pas l’écran, mais l’habitent. De ceux qui rappellent que l’information, lorsqu’elle est traitée avec rigueur et humanité, demeure un outil essentiel de compréhension du monde.

Bureau de Paris – PO4OR

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