Balygh Hamdi : La décennie française qui a transformé un génie de la musique arabe

Balygh Hamdi : La décennie française qui a transformé un génie de la musique arabe
Balygh Hamdi à Paris, une décennie de silence et de création.

Bureau de Paris – PO4OR

On associe souvent le nom de Balygh Hamdi aux grandes voix du monde arabe – Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez, Warda, Sabah – mais une part essentielle de sa trajectoire artistique demeure liée à Paris. Entre 1984 et 1994, la capitale française fut pour lui bien plus qu’un simple lieu d’exil : elle devint un espace de silence, de reconstruction et de métamorphose créative.

Un exil contraint, une ville qui apaise

Après une affaire judiciaire retentissante en Égypte, Balygh Hamdi quitte Le Caire et trouve à Paris un refuge capable de contenir sa fragilité. Il s’installe dans un appartement de la Rue de la Boétie, dans le 8ᵉ arrondissement, non loin des Champs-Élysées. Ce quartier, élégant et discret, devient son univers quotidien, un lieu où il peut enfin se reposer et réentendre sa propre voix.

Les témoignages de ses proches évoquent un homme qui se levait tôt pour écrire, réécouter et réarranger ses compositions. Débarrassé du tumulte du Caire et des attentes du public, il retrouve une forme de liberté intérieure. Paris lui offre le droit d’être vulnérable, condition rare pour un artiste dont la carrière avait toujours été exposée à la lumière.

Une solitude fertile

Loin de son environnement habituel, Balygh découvre dans la solitude parisienne un espace propice à l’introspection. Il fréquente plusieurs studios situés dans les 9ᵉ et 17ᵉ arrondissements, où il revoit certaines œuvres antérieures et élabore de nouveaux arrangements pour Warda. Plusieurs musiciens français rapportent avoir été impressionnés par sa capacité à faire dialoguer la mélodie orientale avec l’écriture orchestrale européenne.

Paris devient pour lui un terrain d’observation : il y découvre des sonorités nouvelles, s’intéresse aux pratiques de l’arrangement contemporain et réfléchit à la manière d’inscrire la musique orientale dans une esthétique plus universelle. Il travaillait lentement, parfois en silence, comme s’il cherchait à redéfinir les fondations mêmes de son langage musical.

Une reconnaissance discrète mais réelle

Si Balygh Hamdi n’était pas une figure publique à Paris, il jouissait néanmoins d’une estime certaine dans les cercles de musiciens et d’arrangeurs. Certains le considéraient comme un compositeur “global”, capable d’écrire pour n’importe quelle formation instrumentale. Des archives françaises conservent d’ailleurs des mentions liées à des enregistrements réalisés à Paris dans ces années-là, témoignant d’une présence artistique bien plus profonde qu’on ne le croit.

Pour ceux qui l’ont rencontré, il incarnait une forme de maîtrise instinctive : une intelligence mélodique rare, doublée d’un sens du rythme et de la couleur instrumentale que l’on retrouve dans ses œuvres les plus célèbres.

Une décennie humaine avant tout

Au-delà de la musique, les années parisiennes constituent une période humaine décisive. Plusieurs personnes proches de lui ont évoqué une alternance de solitude, de nostalgie et de détermination. Paris lui offrait une respiration nécessaire, un espace pour se tenir à distance du tumulte médiatique et des pressions quotidiennes.

C’est aussi une période où il réévalue son rapport au succès, au travail, à la scène. La ville agit sur lui comme un miroir, révélant ce qu’il lui reste à protéger et ce qu’il lui reste à abandonner. Cette lente reconquête de lui-même marque toute la sensibilité de ses dernières compositions.

Le retour de 1994 : un passage obligé par Paris

Lorsque la justice égyptienne le disculpe finalement, Balygh quitte Paris en 1994 pour retrouver Le Caire. Son départ est chargé d’une gravité particulière : il laisse derrière lui une décennie d’introspection, de travail discret et de maturation artistique. Ceux qui l’ont accueilli à son retour évoquent un homme transformé, plus calme, plus profond, plus conscient de la fragilité humaine.

Paris, qui avait été pour lui un refuge, devient alors une étape fondatrice. Elle n’a pas façonné son génie, mais elle l’a rendu plus ample, plus nuancé, plus universel.

Conclusion : Paris comme métamorphose

L’histoire de Balygh Hamdi à Paris ne constitue pas un simple épisode biographique. Elle représente une métamorphose. Dans son appartement de la Rue de la Boétie, il retrouve une part de lui-même qu’il avait perdue. Cette décennie française a façonné sa sensibilité, affiné son écriture et élargi sa vision musicale.

Paris n’a pas seulement accueilli son exil. Elle a accompagné sa renaissance.

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