Charbel Dagher, une pensée critique façonnée entre langues, presse et université
Le parcours de Charbel Dagher s’est construit à l’intersection exigeante de la poésie, du journalisme culturel et de la recherche universitaire. Très tôt, son écriture trouve dans la presse un espace de déploiement critique. Il publie ses premiers articles dans l’hebdomadaire Al-Hurriya, avant d’occuper des fonctions éditoriales structurantes, notamment comme secrétaire de rédaction de la revue Afak aux côtés de Mgr Grégoire Haddad. Il devient ensuite le premier responsable de la rubrique culturelle du quotidien As-Safir, tout en publiant ses poèmes dans Al-Mulhaq de An-Nahar, dans la revue Mawaqif et dans d’autres périodiques majeurs de la scène intellectuelle arabe.
Ce travail journalistique, d’abord engagé et pluriel, acquiert une forme professionnelle stable et continue à partir de son installation à Paris. La capitale française ne constitue pas pour Dagher un simple lieu de résidence, mais un espace de structuration intellectuelle où l’écriture critique se confronte à d’autres traditions de pensée, à d’autres régimes de lecture et à d’autres exigences éditoriales. Il collabore alors régulièrement avec plusieurs journaux arabes de référence, parmi lesquels Al-Mustaqbal, Al-Watan Al-Arabi, Kull Al-Arab et Al-Hayat, tout en publiant dans des revues françaises et allemandes, élargissant ainsi le champ de réception de son travail.
Les années parisiennes sont également marquées par un engagement actif dans des réseaux culturels transnationaux. Charbel Dagher développe des collaborations étroites avec le Festival culturel d’Asilah, avec le Forum culturel arabo-africain où il occupe la fonction de secrétaire du conseil exécutif, ainsi qu’avec le Prix de la poésie africaine dont il assure le secrétariat général depuis sa fondation jusqu’en 1993. Ces expériences traduisent une conception de la culture comme espace de médiation, de circulation et de dialogue entre les mondes arabe, africain et européen.
De retour au Liban à l’été 1994, Charbel Dagher poursuit son itinéraire académique à l’Université de Balamand où il est aujourd’hui professeur titulaire. Il y fonde et dirige plusieurs départements universitaires, notamment les études arabes, la traduction et les langues vivantes, les études françaises, les médias et techniques de communication, les sciences politiques et administratives ainsi que les sciences de l’information. À travers ces structures, il contribue à l’élaboration d’une offre pédagogique moderne, attentive aux mutations culturelles, linguistiques et médiatiques du monde contemporain.
Titulaire du grade de professeur, il intervient également comme expert évaluateur dans les procédures de promotion d’enseignants universitaires et collabore avec plusieurs revues scientifiques arabes et françaises à comité de lecture. Son activité d’enseignant invité l’amène par ailleurs à intervenir dans de nombreuses institutions européennes, notamment les universités de Toulouse-Le Mirail, de Metz, Paris V Sorbonne Nouvelle, l’Université de Malte, l’Université de Bologne, ainsi que dans plusieurs instituts supérieurs des beaux-arts en Tunisie.
Parallèlement à son travail universitaire, Charbel Dagher supervise et organise de nombreux colloques internationaux consacrés à la poésie, à l’esthétique, à la modernité et aux relations entre art, ville et société. Ces rencontres confirment une position intellectuelle qui ne dissocie jamais création, critique et transmission, et qui inscrit la réflexion culturelle dans un dialogue constant avec les réalités sociales et historiques.
À travers Paris, Charbel Dagher n’a pas seulement trouvé un lieu d’exil ou de reconnaissance, mais un véritable laboratoire intellectuel où s’est affinée une pensée critique attentive aux formes, aux signes et aux transformations culturelles du monde arabe contemporain. Une relation discrète, profonde et durable, inscrite dans le temps long de l’écriture, de la recherche et du savoir.
Bureau de Beyrouth