Farès Helou Un artiste syrien qui a réinventé sa voix dans un exil devenu espace de liberté
Rédaction : Bureau de Paris – PO4OR
Il arrive parfois qu’un artiste ne se révèle pleinement qu’au moment où il traverse un territoire nouveau. Pour Farès Helou, ce territoire fut la France. La rencontre n’a rien eu d’un refuge passager mais plutôt d’une renaissance lente où le corps, la parole et la mémoire retrouvent une forme de vérité. Paris n’est pas devenue pour lui un simple lieu de séjour mais un espace de respiration, un lieu où l’art peut enfin se déployer sans crainte, où chaque geste retrouve sa précision et son sens. Dans cet exil devenu patrie intérieure, Farès Helou a redéfini son rapport au métier, à l’expression et à l’humanité.
Les premières années en France furent une traversée faite de recherches, de rencontres et d’explorations. Dans les ateliers parisiens, il a découvert des pratiques scéniques plus libres, plus physiques, plus ancrées dans l’émotion brute. Chaque expérience l’éloignait un peu plus du poids des contraintes qu’il avait connues et le rapprochait d’une forme d’art qui s’autorise tout. Paris lui offrait un laboratoire où les traditions théâtrales européennes se mêlaient à la mémoire du théâtre syrien, et où l’exil devenait un matériau artistique à part entière.
Peu à peu, Farès Helou s’est imposé comme une voix singulière dans le paysage culturel français. Sa présence dans des lectures publiques, des performances et des projets indépendants a révélé un acteur capable d’incarner les nuances complexes de la condition humaine. La presse culturelle française a vu en lui un interprète habité, un artiste qui porte en soi un héritage dramatique profond et qui sait en même temps le réinventer. Ce double mouvement, enracinement et transformation, a fait de lui un artiste rare capable de franchir les frontières entre les esthétiques, les langues et les imaginaires.

Cette reconnaissance a trouvé un élan nouveau avec sa participation au film français Les Barbares, réalisé par Julie Delpy et présenté comme l’un des événements cinématographiques majeurs de l’automne 2024. Le film se déroule dans la petite ville bretonne de Paimpont, où les habitants se préparent à accueillir une famille ukrainienne déplacée. Mais c’est une famille syrienne qui apparaît à la place, et cette rencontre inattendue met à nu les fragilités d’une société qui se veut accueillante et qui se découvre maladroite, hésitante, parfois craintive. Farès Helou y incarne le rôle du grand-père, un écrivain et poète dont la dignité, la douceur silencieuse et la profondeur humaniste deviennent l’âme discrète du récit.
Le personnage qu’il interprète résume toute une histoire du déracinement. Il porte en lui la mémoire d’un pays meurtri et l’espoir fragile d’un avenir possible. Autour de lui gravitent son fils, ingénieur interprété par Ziad Bakri, la belle-fille designer campée par Dalia Naous, et la fille médecin jouée par Rita Hayek, amputée et marquée par les bombardements qui ont détruit l’hôpital où elle travaillait. Dans ce rôle, Farès Helou donne au film une gravité tendre, une profondeur qui dépasse la seule fiction et rejoint la vérité de milliers de familles pour lesquelles l’exil n’est pas une abstraction mais une chair vivante.
La performance de Farès Helou dans Les Barbares a été saluée comme l’une des plus touchantes du film. Julie Delpy a souligné dans plusieurs entretiens qu’elle cherchait un acteur capable de transmettre une présence intérieure, une force qui n’a pas besoin d’éclats pour s’imposer. Dans son jeu, l’exil devient une lumière douce plutôt qu’une ombre, une manière de dire que même les vies brisées possèdent encore des fragments de beauté. Le film révèle un acteur d’une maturité exceptionnelle, capable de faire vibrer chaque silence et de donner à la fragilité humaine la noblesse qu’elle mérite.
Ce rôle marque une étape importante dans la trajectoire de Farès Helou en France. Il ne s’agit pas seulement d’une participation dans un grand film français mais d’une intégration pleine au sein de l’imaginaire artistique du pays. Grâce à cette œuvre, son visage, sa voix et son histoire pénètrent dans le cœur du public français, non comme un symbole de l’exil mais comme un artiste complet, un porteur d’humanité. Cette reconnaissance correspond à l’évolution naturelle d’un acteur qui, au fil des années, a su transformer son exil en un espace de création, en un territoire poétique qui lui appartient.
Aujourd’hui, Farès Helou représente l’un des ponts les plus sincères entre la Syrie et la France. Sa présence dans les arts vivants, son engagement dans les projets indépendants et sa capacité à incarner des rôles d’une vérité bouleversante font de lui une figure centrale de la scène artistique des diasporas en Europe. Paris continue de jouer pour lui un rôle essentiel : celui d’une ville qui accueille les voix venues de loin et qui leur offre l’espace nécessaire pour se déployer. Et lui, de son côté, enrichit la scène française par une sensibilité unique, forgée dans le théâtre, la mémoire, la douleur et la dignité.
Ainsi, dans ce chemin qui mène de Damas à Paris, Farès Helou a trouvé plus qu’un lieu de vie. Il a trouvé un lieu de vérité. Un lieu où l’art, enfin, peut respirer à son propre rythme. Et c’est peut-être là que réside la beauté profonde de son parcours : dans cette capacité à transformer l’exil en création et la blessure en lumière.