Mounia Akl Une voix libanaise singulière dans le paysage audiovisuel mondial

Mounia Akl Une voix libanaise singulière dans le paysage audiovisuel mondial
Mounia Akl, réalisatrice libanaise à la présence affirmée sur la scène internationale, porte une vision cinématographique et humaine qui traverse les frontières.

Née au Liban, formée entre rigueur intellectuelle et sensibilité artistique, Mounia Akl s’impose aujourd’hui comme l’une des cinéastes arabes les plus solides de sa génération. Son entrée dans l’univers des séries internationales, jusqu’à rejoindre le cercle des réalisateurs de Netflix, consacre un parcours construit sur la cohérence, l’exigence et une fidélité rare à sa propre voix.

Dans un contexte audiovisuel mondialisé où les trajectoires se veulent souvent rapides et adaptatives, Mounia Akl avance à contre-courant. Son cinéma ne cherche ni l’effet immédiat ni la conformité aux formats dominants. Il s’ancre dans une vision, une méthode, et surtout une attention constante portée aux êtres, aux espaces et aux tensions invisibles qui traversent les récits familiaux.

Une formation qui façonne le regard

Avant le cinéma, Mounia Akl étudie l’architecture. Ce détour fondateur n’est pas anecdotique. Il structure durablement son rapport à l’image. Chez elle, les lieux ne sont jamais de simples décors : ils conditionnent les corps, enferment ou protègent, révèlent les rapports de force et traduisent les états intérieurs des personnages. Cette conscience spatiale irrigue l’ensemble de son œuvre et donne à sa mise en scène une profondeur rarement ostentatoire, mais toujours perceptible.

Très tôt, elle s’oriente vers le cinéma comme espace de narration intime. Son court métrage Submarine, sélectionné au Festival de Cannes en 2016, marque une première reconnaissance internationale. Le film révèle déjà une écriture précise, tendue, attentive aux silences et aux relations familiales déséquilibrées. Akl y affirme une sensibilité qui refuse le pathos et privilégie la suggestion.

Costa Brava, Lebanon : le film de la maturité

C’est avec Costa Brava, Lebanon que Mounia Akl franchit un seuil décisif. Premier long métrage de fiction, le film est présenté dans de grands festivals internationaux, notamment à Venise et Toronto, et reçoit plusieurs distinctions. Porté par Nadine Labaki, il s’impose comme une œuvre à la fois profondément libanaise et universelle.

Le récit suit une famille qui tente de se retrancher à l’écart de Beyrouth pour vivre selon ses propres règles, avant que la réalité du pays — pollution, crise, effondrement des repères — ne vienne fissurer ce refuge. Sans discours frontal, Akl transforme la cellule familiale en métaphore politique. Les conflits intimes deviennent l’écho d’un pays en tension permanente.

Le film commence son exploitation dans les salles françaises à l’été 2022, confirmant l’intérêt durable du public et de la critique pour un cinéma libanais capable de dialoguer avec les préoccupations contemporaines européennes sans renoncer à sa singularité.

Une signature fondée sur la famille et la faille

Un motif traverse l’ensemble du travail de Mounia Akl : la famille comme lieu de fracture. Chez elle, il ne s’agit jamais d’un sanctuaire idéalisé, mais d’un espace de tensions, de non-dits, de rapports de domination et de tentatives d’émancipation. Cette lecture trouve un écho direct dans les projets internationaux auxquels elle est associée.

Lorsqu’elle est invitée à travailler au Royaume-Uni, ce sont précisément ces qualités qui attirent l’attention de producteurs et de créateurs confirmés. Après Costa Brava, elle réalise des épisodes de la série Boiling Point pour la BBC, à la demande de Stephen Graham et Philip Barantini. Le succès du projet ouvre rapidement de nouvelles perspectives.

Elle est ensuite sollicitée pour The Responder, avec Martin Freeman, confirmant sa capacité à s’inscrire dans des univers narratifs exigeants tout en y insufflant une sensibilité personnelle.

House of Guinness : une reconnaissance internationale

L’annonce de sa participation à la série House of Guinness, produite pour Netflix, marque une étape symbolique forte. Ce projet historique, centré sur la célèbre famille Guinness dans l’Irlande du XIXᵉ siècle, entre en résonance directe avec ses obsessions artistiques. Derrière les enjeux économiques, politiques et sociaux, Akl y lit avant tout le portrait d’une famille dysfonctionnelle, miroir d’un pays et, au-delà, du monde.

Elle y retrouve des thématiques qu’elle connaît intimement : conflits de loyauté, fractures sociales, sentiments d’exclusion, héritages lourds à porter. Sa mise en scène privilégie la durée, les relations, et une direction d’acteurs fondée sur la confiance et l’écoute. Même au cœur d’une production internationale de grande ampleur, elle conserve un rapport artisanal au travail, attentif et profondément humain.

Une cinéaste sans compromis

Ce qui distingue Mounia Akl dans le paysage actuel, c’est la constance de son approche. Le passage du cinéma indépendant libanais aux plateformes mondiales n’a pas altéré son style. Elle aborde chaque projet avec la même intensité, qu’il s’agisse d’un film tourné avec des moyens limités ou d’une série dotée de budgets conséquents.

Son discours à l’adresse des jeunes cinéastes est clair : l’originalité ne se décrète pas, elle se cultive. À ses yeux, le monde audiovisuel manque moins de récits que de voix sincères, capables d’assumer leur identité sans la diluer pour répondre aux attentes du marché.

Une place affirmée dans le cinéma contemporain

Aujourd’hui, Mounia Akl incarne une génération de créateurs libanais qui ont su transformer l’expérience locale en langage universel. Son œuvre démontre qu’il est possible d’intégrer les grandes industries audiovisuelles tout en préservant une écriture personnelle, exigeante et profondément ancrée.

Son cinéma, qu’il s’exprime sur grand écran ou à travers les séries, continue d’explorer les failles humaines avec une précision rare. Une trajectoire exemplaire, construite sans tapage, mais avec une solidité qui fait désormais d’elle une figure incontournable du cinéma et de la télévision contemporains.

Bureau de Beyrouth

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