Saad Al-Massoudi : une icône arabe à Paris
Bureau de Paris – PO4OR
Depuis près d’un demi-siècle, Saad Al-Massoudi s’impose comme l’une des figures les plus marquantes du paysage médiatique arabe en Europe. Installé à Paris dans les années 1970, il a accompagné, documenté et souvent anticipé l’évolution culturelle du monde arabe, tout en offrant à la France un accès privilégié aux voix du Golfe.
Son nom est intimement lié à Radio Monte Carlo Internationale, antenne mythique qui a façonné la mémoire sonore de plusieurs générations arabes.
Mais derrière la notoriété, se trouve un parcours profondément humain, façonné par l’exil, la passion et un attachement viscéral à la culture.
Paris, terre d’exil et de réinvention
Lorsque Saad Al-Massoudi arrive à Paris, la capitale française est un refuge pour les intellectuels, artistes et journalistes venus du Moyen-Orient.
Dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, les cinémas d’art et d’essai, et les cercles littéraires de la rive gauche, il découvre une ville où la diversité est moteur de création.
Paris devient pour lui plus qu’un lieu de résidence : un laboratoire culturel, un espace de liberté intellectuelle et une scène idéale pour développer une approche originale du journalisme.
Très vite, il comprend que sa mission dépasse la simple transmission de l’actualité : il veut raconter les artistes, révéler les œuvres, donner une voix aux créateurs, et surtout bâtir des ponts durables entre les cultures.
L’aventure Radio Monte Carlo : la naissance d’une voix légendaire
L’entrée de Saad Al-Massoudi à Radio Monte Carlo Internationale constitue un tournant fondateur.
Au cœur des années 1980 et 1990, alors que les radios dominaient encore la consommation culturelle dans le monde arabe, son programme devient un rendez-vous incontournable dans tout le Golfe.
Sa voix, d’une clarté et d’une chaleur exceptionnelles, impose immédiatement un style singulier : calme, posé, respectueux et profondément cultivé.
Contrairement à de nombreux animateurs, il ne cherche jamais à mettre son invité en difficulté.
Il privilégie le dialogue, l’écoute patiente, la profondeur des échanges.
Cette approche attire naturellement les plus grandes stars arabes.
Un défilé d’icônes au micro d’un passeur culturel
Au fil des années, son émission devient la plateforme incontournable des artistes du Golfe et du Machrek lors de leurs passages en Europe.
Mohammed Abdu, Talal Maddah, Abadi Al-Johar, Nawal Al-Kuwaitiya, Ahlam, Kazem Al-Saher, Majida El Roumi, Sabah Fakhri…
La liste est interminable et constitue un véritable panthéon de la musique arabe moderne.
Pour beaucoup d’entre eux, c’est la première fois qu’un journaliste basé à Paris leur offre un espace d’expression libre et intime.
À travers ces entretiens, qui dépassent souvent le simple format radiophonique, Saad Al-Massoudi archive les trajectoires, décode les influences, explore les rêves et les doutes des artistes.
Ces conversations deviennent des archives uniques, consultées aujourd’hui comme des documents essentiels de l’histoire culturelle contemporaine.
Paris – Golfe : la construction d’un pont durable
Sa plus grande réussite réside dans sa capacité à faire dialoguer deux univers longtemps éloignés :
la France, avec son histoire culturelle dense et son ouverture intellectuelle ;
et le Golfe, en pleine transformation artistique, économique et identitaire.
Pendant les décennies où le monde arabe connaît des mutations rapides, Saad Al-Massoudi joue un rôle de médiateur essentiel.
Grâce à lui, des millions d’auditeurs découvrent une image vivante de Paris : ses concerts, ses expositions, ses festivals, ses artistes.
En retour, il donne aux Français une compréhension rare de la richesse musicale et littéraire du Golfe.
La profondeur de sa culture et son sens aigu de la narration font de lui un passeur indispensable, capable de traduire les sensibilités orientales dans un langage compris par l’Occident.
Une méthode journalistique unique
Ce qui distingue véritablement Saad Al-Massoudi, ce n’est pas seulement la qualité de ses invités, mais surtout sa manière de raconter le monde.
Il refuse le sensationnalisme.
Il n’interrompt pas.
Il laisse l’artiste cheminer vers sa propre vérité.
Chaque entretien est pensé comme un récit, une traversée, une exploration humaine.
Cette approche narrative donne à son travail une dimension littéraire rare dans le paysage radiophonique.
Beaucoup d’artistes diront plus tard que leurs conversations avec lui furent parmi les plus sincères de leur carrière.
Ce respect profond pour la parole de l’autre constitue l’essence même de son héritage.
Un témoin privilégié de la diaspora arabe
Au-delà des ondes, Saad Al-Massoudi participe activement à la vie culturelle parisienne.
On le retrouve dans les concerts de l’Institut du Monde Arabe, aux avant-premières de films arabes, aux conférences universitaires, aux salons du livre.
Sa présence est discrète, mais essentielle.
Il devient, au fil des années, la mémoire vivante de la diaspora arabe en France.
Ses carnets, ses archives, ses enregistrements constituent un trésor documentaire inestimable, retraçant cinquante ans de vie artistique entre l’Europe et le Moyen-Orient.
Un héritage qui dépasse la radio
Même si les formats médiatiques ont changé, l’empreinte laissée par Saad Al-Massoudi demeure intacte.
Les jeunes générations d’artistes arabes le considèrent comme une référence, un mentor silencieux, un témoin fidèle des métamorphoses culturelles du monde arabe.
Aujourd’hui encore, son nom évoque une certaine idée du journalisme :
un journalisme de respect, de vérité, d’écoute et de passion.
Conclusion : une icône intemporelle
Saeed Al-Massoudi n’est pas seulement un journaliste.
Il est une voix, une mémoire, un pont humain entre l’Orient et l’Occident.
Son parcours à Paris raconte l’histoire d’un homme qui, en s’exilant, a trouvé sa mission : rapprocher les cultures, transmettre la beauté, préserver les voix et honorer la diversité.
Cinquante ans après son arrivée en France, il demeure une figure majeure, une icône arabe intemporelle, et l’un des artisans les plus authentiques du dialogue culturel entre le monde arabe et l’Europe.