Maryam Zaree : une voix iranienne qui réinvente sa liberté entre l’Orient et l’Europe et trouve à Paris sa lumière
Bureau de Paris – PO4OR
Il existe des trajectoires artistiques dont la force naît de leur fragilité, et dont la singularité se révèle dans ce va-et-vient constant entre mémoire, identité et création. Celle de Maryam Zaree appartient à cette constellation rare d’artistes qui ne se contentent pas d’occuper un rôle ou un cadre, mais qui transforment l’écran en espace de vérité. Actrice et réalisatrice d’origine iranienne, formée en Allemagne et accueillie aujourd’hui par les scènes et les imaginaires européens, elle impose une présence qui ne ressemble à aucune autre. Tout en elle évoque le passage entre deux mondes et la volonté de donner une forme universelle à une histoire longtemps silencieuse.
Le langage cinématographique de Maryam Zaree repose sur une intensité intérieure qui ne cherche jamais l’effet. Sa manière d’habiter un personnage semble venir d’un geste profondément européen, presque berlinois dans sa retenue, mais la charge émotionnelle qui traverse son jeu appartient à l’Orient. Elle possède cette capacité rare d’exprimer la douleur sans éclat, la résistance sans colère, la poésie sans décor. Les réalisateurs qui la dirigent soulignent souvent cette présence silencieuse qui magnétise l’image et crée un espace d’interprétation inhabituel dans le cinéma contemporain. À Paris, cette esthétique rencontre un écho naturel. La ville a toujours reconnu la valeur d’un regard qui dépasse l’apparence, d’un geste qui porte en lui une histoire déplacée, et d’une actrice qui parle avec la profondeur de ceux qui ont traversé plusieurs frontières pour atteindre leur voix.
La question identitaire occupe une place fondamentale dans son œuvre. La trajectoire de Maryam Zaree est marquée par l’exil, mais elle ne se présente jamais comme une artiste déracinée. Elle apparaît plutôt comme une voix façonnée par plusieurs appartenances, chacune enrichissant l’autre. L’Iran est toujours présent en elle, non pas sous la forme d’une nostalgie figée, mais comme une source de questions, un territoire intime où résident à la fois les blessures de la mémoire collective et les ombres que chaque famille porte en silence. L’Europe, et plus particulièrement l’Allemagne puis la France, lui offrent un autre rapport au monde : celui d’une identité réinventée, ouverte, en mouvement. À Paris, cette dualité trouve une forme d’équilibre. La capitale française accueille depuis longtemps les artistes dont la vie se construit dans l’interstice entre deux cultures et reconnaît la puissance créative de ceux qui refusent de choisir une seule appartenance.
La dimension féminine et humaine de son parcours lui confère une profondeur exceptionnelle. Maryam Zaree fait partie de ces femmes iraniennes pour qui l’art représente un acte vital. À travers son jeu comme à travers ses réalisations, elle interroge les silences transmis de génération en génération, les traumatismes hérités et la manière dont la mémoire intime résonne avec les bouleversements politiques. Son œuvre documentaire témoigne d’un courage rare. Elle ose revisiter ce qui devait rester enfoui et transforme le non-dit en matière cinématographique. Chaque image qu’elle crée ou interprète semble affirmer qu’il existe une manière de guérir en racontant, et qu’une femme qui retrouve sa parole peut, d’une certaine manière, retrouver sa liberté. Paris devient alors pour elle plus qu’un simple décor ou lieu de travail. La ville agit comme une respiration nouvelle, un espace où le récit personnel trouve une résonance universelle, une scène où la vulnérabilité devient une forme de force.
Maryam Zaree occupe aujourd’hui une position singulière dans le paysage culturel européen. Elle n’est pas seulement une actrice talentueuse ni une réalisatrice engagée. Elle est devenue un point de rencontre entre l’Orient et l’Europe, entre une mémoire blessée et un présent créatif, entre la quête individuelle et le récit collectif. À travers elle, l’idée d’un dialogue culturel retrouve sa profondeur véritable. Le pont qu’elle construit n’est pas idéologique ni théorique. Il est incarné, sensible, tangible. Il passe par la voix, par le regard, par la manière dont un corps en mouvement peut raconter deux continents à la fois.
Dans un moment où les liens entre l’Europe et le Moyen-Orient sont souvent perçus sous l’angle de la tension ou de l’incompréhension, Maryam Zaree propose une autre perspective. Elle rappelle qu’un artiste peut réconcilier ce que la politique divise, et que le cinéma demeure l’un des rares territoires capables d’accueillir des identités multiples sans les réduire. Sa présence grandissante à Paris confirme une évidence : la capitale française reste l’un des lieux privilégiés où les voix venues d’ailleurs peuvent trouver la lumière qui leur permet de s’épanouir pleinement.
La force de Maryam Zaree réside dans cette manière calme et déterminée d’exister. Rien chez elle n’est crié. Rien n’est décoratif. Son parcours avance avec patience, profondeur et fidélité à ce qu’elle est. Elle densifie chaque rôle, enrichit chaque projet, et impose une exigence artistique qui rappelle que le cinéma peut encore être un acte de vérité. À travers son travail, elle redonne à l’idée du pont culturel sa dimension la plus noble : un passage qui se construit non par la théorie, mais par la sincérité, par la présence et par la beauté fragile de ceux qui n’ont jamais cessé de chercher leur liberté.